s, dans sa prison, parut aussi grand que sur le trone, sur le pont
de Taillebourg et a la descente a Damiette. On ne lui avait laisse que
son breviaire; il le prit de la main de son chapelain, et le recita avec
autant de tranquillite que s'il eut ete dans l'oratoire de son palais.
Les barbares eux-memes admirerent sa constance plus qu'heroique. Il
etait si faible qu'il fallait le porter lorsqu'il voulait faire un pas:
il manquait des choses les plus necessaires; au commencement il n'eut
pour se couvrir la nuit, qu'une vieille casaque qu'un prisonnier lui
donna; il etait denue de presque tout secours; jamais rien ne put
l'ebranler. Un seul homme nomme Isambert, composait tout son domestique;
il lui preparait a manger, faisait son pain, et lui tenait lieu de toute
cette foule d'officiers, si empresses pour le service des rois. Tout
faible et tout malade qu'il etait, il ne lui echappa jamais ni signe
de chagrin, ni mouvement d'impatience. Il recitait tous les jours son
breviaire avec son chapelain, et se faisait lire toutes les paroles de
la messe, excepte celles de la consecration.
La sante de Louis etant si affaiblie qu'il pouvait a peine se soutenir,
le sultan Almoadan apprehenda enfin de le voir mourir, de perdre la
grosse rancon qu'il en esperait, et de ne pouvoir rentrer en possession
de la ville de Damiette. Cette crainte le fit changer tout-a-coup de
conduite a l'egard de son prisonnier. Il lui permit de faire venir des
etoffes, lui fit present de deux vestes de taffetas noir, fourrees de
vair, avec une garniture de boutons d'or; lui donna ses gens pour le
servir, avec ordre de lui fournir tout ce qu'il demanderait. Enfin il
lui envoya ses medecins, qui lui firent prendre un breuvage qui
le guerit en quatre jours. Le temps dont je parle etait, chez les
mahometans, un siecle de lumiere; ils cultivaient les sciences, et entre
autres la medecine, avec succes.
Quelque temps apres le lieutenant du sultan fit monter a cheval le sire
de Joinville, et le faisant marcher a cote de lui, il le conduisit au
lieu ou etait le roi avec les deux princes ses freres. La etaient aussi
plusieurs seigneurs, et plus de dix mille autres captifs de toute
condition; mais les prisonniers de marque separes des autres, et ceux-ci
renfermes dans une espece de parc, clos de murailles.
Au bout de quelques jours, un des principaux officiers sarrasins y
arriva avec des soldats, et, faisant sortir du parc les prisonniers
les uns apres les autr
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