rs, les trompettes et
les timbales, avec un bruit effroyable, dans toute l'etendue de cette
armee qui s'ebranla toute en meme temps. Les barbares, embouchant de
longs tuyaux de cuivre, repandaient partout le redoutable feu gregeois
qui, s'attachant aux habits des soldats et aux caparacons des chevaux,
les embrasait depuis les pieds jusqu'a la tete. Quand par ce deluge de
feu, que les Francais n'avaient pas encore vu mettre en usage dans les
combats, les ennemis avaient fait quelque ouverture dans les bataillons,
leur cavalerie y donnait a toute bride, et tachait de les enfoncer.
C'est ainsi que l'ordre de bataille du comte d'Anjou fut rompu. Ce
prince, desarconne de son cheval, et a pied, allait etre pris ou tue,
lorsque le roi, averti du danger ou il etait, part comme un eclair,
_l'epee au poing_, se precipite au travers des dards et des flammes,
renverse tout ce qui s'oppose a son passage, perce jusqu'a l'endroit ou
son frere defendait courageusement sa vie, le fait remonter a cheval, le
degage, et retablit les choses de ce cote-la.
On combattait partout avec une egale vigueur, mais avec des succes
differens. Le preux et vaillant Chatillon, le brave Meauvoisin, et les
seigneurs de la Palestine, firent des actions incroyables de valeur, et
ne purent etre entames ni par le nombre, ni par l'ardeur des infideles.
_Il en alloit pauvrement_, dit Joinville, _a l'autre bataille_
qui suivait, ou le courage, quantite de machines, et d'assez bons
retranchemens de bois, ne servirent de rien aux Templiers. Accables par
la multitude, ils furent presque tous tailles en pieces. _On trouva_,
dit Joinville[1], _au-dela de l'espace qu'ils avaient occupes, une
superficie d'environ cent perches, si couvertes de piles de dards et
d'autres traits, qu'on n'y voyoit point de terre. Leur grand-maitre
avoit perdu un oeil au combat de Massoure; il y perdit l'autre a
celui-ci: car il y fut tue et occis_.
[Note 1: Joinville, p. 53.]
Le comte de Flandre combattit plus heureusement, _et fit les plus
grands faits d'armes_. Peu content d'avoir repousse les ennemis, il les
poursuivit l'epee dans les reins, en tua un grand nombre, et revint
charge de leurs depouilles. Il n'en etait pas de meme a l'extremite de
l'aile gauche, ou le comte de Poitiers fut enfonce et pris. C'etait un
prince humain, debonnaire, bienfaisant. Il eprouva, dans cette occasion,
combien il importe aux maitres du monde de posseder les coeurs de leurs
sujets. Deja les Sarrasin
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