udan demanda des otages pour
assurance de l'execution. On offrit de lui donner un des deux freres du
roi, le comte d'Anjou ou le comte de Poitiers.
Les Mahometans le refuserent: soit que le soudan n'eut commence a
traiter avec les chretiens que pour les amuser, soit qu'il crut que
l'extremite ou ils etaient reduits les amenerait aux plus dures
conditions, il protesta qu'il n'accepterait d'autre otage que la
personne du roi meme. A ces mots, le bon chevalier Geoffroi de Sargines
fut saisi d'une noble colere. "On doit assez connaitre les Francais,
dit-il avec indignation, pour les croire prets a souffrir mille morts,
plutot que de livrer leur prince entre les mains de ses ennemis. _Ils
aimeroient beaucoup mieux que les Turcs les eussent tous tues, qu'il
leur fut reproche qu'ils eussent baille leur roi en otage_." Peu s'en
fallut que tout le conseil ne fit paraitre autant de chaleur contre le
monarque lui-meme. Il voulait qu'on lui permit de se sacrifier pour le
salut de son peuple. Tous, au contraire, demandaient a mourir pour lui:
rare espece de combat, aussi glorieux pour le souverain qui, cette fois,
ne fut pas le maitre, que pour les sujets qui, dans cette occasion, se
firent un devoir de desobeir. Ainsi, toute negociation fut rompue.
Cependant on ne vit jamais d'armee accablee en meme temps de plus de
maux et de miseres que l'etait celle des chretiens. Les maladies se
mirent dans tous les quartiers, et principalement le scorbut et les
fievres malignes, causees par les extremes chaleurs. Mais ce qui
augmenta la corruption de l'air, fut l'infection des corps qui avaient
ete jetes dans la riviere, apres les deux batailles, et qui, au bout
de neuf ou dix jours, revenant sur l'eau, s'arreterent au pont de
communication du camp du roi avec celui du duc de Bourgogne, repandant
fort loin une odeur insupportable.
On eut remedie a ce mal, si on avait rompu le pont; mais on n'avait
garde de prendre cet expedient qui aurait separe les deux camps. Le roi
paya cent hommes pour faire passer les cadavres par-dessous le pont, et
ce travail dura huit jours, parce que ce prince, par piete, voulut qu'on
demelat, pour les faire inhumer, les corps des chretiens d'avec ceux
des Mahometans. Cette peine qu'on se donna a remuer tous ces corps
deja pourris, et qui dura si long-temps, ne servit qu'a empester l'air
davantage. Nul de ceux qui y furent occupes ou presens, ne manqua d'etre
frappe de maladie; un tres-grand nombre en mourut, et
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