s l'emmenaient, lorsque les vivandiers, les
valets qui gardaient le bagage, les femmes meme, transportes d'un
courage extraordinaire, coururent a son secours. Avec les instrumens de
leurs metiers, et les armes qu'ils ramasserent sur le champ de bataille,
ils firent de si grands efforts, qu'ils l'arracherent des mains des
barbares, et le mirent en etat de rallier ses gens qui repousserent les
infideles loin du camp. L'intrepide Brancion, seconde de son fils, eut
aussi la gloire, quoique sans cavalerie, de forcer les Egyptiens a se
retirer en desordre; mais le jour meme il expira des blessures qu'il
avait recues, _s'estimant trop heureux_, dit Joinville, son neveu, _de
mourir pour Jesus-Christ, faveur qui etoit depuis long-temps l'objet
de ses voeux_. Partout enfin les Sarrasins attaquerent avec furie, et
partout ils furent repousses avec grande perte. Les Francais, dans cette
occasion, se surpasserent, pour ainsi dire eux-memes, et remporterent
tout l'honneur de la journee, sans cavalerie, presque sans armes, et
contre une armee quatre fois plus forte que la leur.
C'est cet avantage si glorieux que le saint roi, qui joignait toujours
la modestie au plus parfait heroisme, exprime dans sa lettre sur
sa prison et sur sa delivrance, par ces termes si simples, mais si
energiques: "Les infideles, avec toutes leurs troupes, vinrent fondre
sur notre camp; Dieu se declara pour nous: le carnage fut tres-grand de
leur cote."
Penetre des memes sentimens, aussitot que les ennemis eurent fait sonner
la retraite, il assembla les seigneurs de son armee pour les exhorter a
rendre grace au Dieu tout-puissant qui les avait soutenus, et dont
le secours leur etait si necessaire dans la conjoncture ou ils se
trouvaient.
Elle etait des plus glorieuses; mais il en aurait fallu profiter, ont
dit ceux qui se melent de juger des evenemens lorsqu'ils sont arrives,
et qui ont blame la conduite de saint Louis. L'armee chretienne etait
diminuee de moitie: il semble qu'il n'y avait qu'a retourner a Damiette
pour y attendre les secours de l'Europe. Cette ville etait la plus forte
de l'Egypte, et les troupes du roi etaient plus que suffisantes pour la
defendre, si les Sarrasins osaient l'attaquer. On y aurait mis en surete
les malades et les blesses, et l'on aurait tire, par la Mediterranee,
les vivres et les munitions necessaires. Louis, ayant assemble les
seigneurs de l'armee, ils ne furent pas d'avis de decamper. Ils
s'imaginerent que les ennemi
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