beaucoup plus leger, afin qu'il eut vent_.
Ils marcherent ensemble, s'entretenant de cette malheureuse journee,
lorsque le prieur de l'hopital de Ronnay vint lui baiser la main toute
armee, et lui demanda s'il savait des nouvelles du comte d'Artois, son
frere. Tout ce que je sais, repondit le saint roi, c'est qu'il est
maintenant au ciel. On regardait alors comme autant de martyrs ceux qui
perdaient la vie dans ces guerres de religion. Le bon chevalier, pour
lui oter une si triste idee, voulut lui parler des avantages qu'on
venait de remporter. "Il faut louer Dieu de tout, dit Louis, en
l'interrompant, et adorer ses profonds jugemens." Aussitot les larmes
commencerent a couler de ses yeux: spectacle qui attendrit tous les
seigneurs de sa suite, _qui furent moult oppresses d'angoisse, de
compassion et de pitie, de le voir ainsi_[1].
[Note 1: Joinville, _loc. cit._]
La douleur, cependant, ne lui fit pas oublier les choses necessaires: la
prudence exigeait qu'on se mit en etat de n'etre point surpris par un
ennemi repousse a la verite, mais qui regardait comme un grand avantage
de n'avoir pas ete entierement battu par des hommes que, jusque-la, il
croyait invincibles. Ainsi, au lieu de prendre un repos dont on avait
grand besoin, on travailla toute la nuit a la construction d'un pont de
communication avec le duc de Bourgogne. Telle fut l'ardeur du soldat,
qu'en tres-peu de temps l'ouvrage fut acheve; des le lendemain au matin,
on fit passer une partie des troupes dans le camp du roi. On examina
ensuite la perte qui se trouva tres-considerable, tant pour le nombre
que pour la qualite des personnes qui avaient ete tuees en se defendant
glorieusement. Celle des infideles excedait de beaucoup; mais ils
etaient dans leur pays, et par consequent plus a portee de la reparer:
avantage qui manquait aux Francais, auxquels il ne restait que tres-peu
de chevaux.
Les ennemis n'attendirent pas jusqu'au jour a inquieter l'armee; car,
sur la fin de la nuit, le mercredi des Cendres, ils vinrent avec de
la cavalerie et de l'infanterie insulter le camp. On sonna aussitot
l'alarme, et un homme de confiance, que Joinville avait envoye pour
savoir ce qui se passait, revint en grande hate lui dire que les
infideles, apres avoir taille en pieces les gardes avancees, attaquaient
le quartier du roi, pour se saisir des machines qu'on leur avait prises
le jour precedent, et qu'on y avait placees. Joinville monta aussitot a
cheval avec sa brigad
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