ans. Le prince lui-meme, accable par le
nombre, tombe perce de mille coups. _Guerrier aussi courtois que
vaillant_, dit un auteur du temps[1], digne frere de Louis, par toutes
les vertus dont il etait orne, mais d'une hauteur de courage qui,
degenerant en temerite, causa bien des malheurs. La gloire et les
circonstances de ses derniers momens effacent en quelque sorte cette
tache. Il fut regrette de tout le monde, et il meritait de l'etre. C'est
la seule faute que l'histoire lui reproche. Le grand-maitre du Temple,
apres avoir perdu un oeil dans ce combat, se fit jour au travers des
ennemis, et se sauva de Massoure avec quelques-uns de ses gens, ayant
laisse morts dans cette place deux cent quarante de ses chevaliers. Le
comte Pierre de Bretagne, aussi dangereusement blesse, se sauva, quoique
poursuivi par plusieurs infideles qui n'oserent jamais l'approcher,
etonnes de l'intrepidite avec laquelle il s'arretait pour les attendre,
et leur insultait meme par des paroles de raillerie.
[Note 1: Mouskes, eveque de Tournay, p. 93.]
Tandis que cette sanglante scene se passait a Massoure, on vint avertir
le roi du peril ou etait le comte d'Artois. Ce fut le connetable de
Beaujeu qui lui porta cette triste nouvelle. "Connetable, s'ecria le
monarque, courez-y avec tout ce que vous pourrez rassembler de braves,
et soyez sur que je vous suivrai de pres."
Mais le corps d'armee que Bondocdar avait poste entre celle du roi et
la ville, et qui s'augmentait de moment en moment par le retour et
le ralliement des fuyards, s'opposait a ce secours. Les ennemis meme
faisaient paraitre une contenance plus assuree qu'a l'ordinaire, et
semblaient vouloir reparer la honte de leur premiere fuite. Outre le
corps dont j'ai parle, on voyait encore de tous cotes, sur les hauteurs
et dans la campagne, diverses troupes qu'il etait dangereux de laisser
grossir davantage. C'est pourquoi le roi et le connetable firent avancer
promptement les bataillons et les escadrons, pour se saisir de quelques
postes avantageux, et charger les ennemis dans les endroits ou ils ne
paraissaient pas en ordre de bataille. Le sire de Joinville fut un des
premiers qui donna sur une de ces troupes; ayant devance ceux qui le
suivaient, il apercut un Sarrasin d'une taille gigantesque qui mettait
le pied a l'etrier pour monter a cheval: _Je lui donnai_, dit Joinville,
_de mon epee sous l'aisselle, tant comme je pus la mettre en avant,
et le tuai tout d'un coup_. Mais s'etant
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