urnee. Il part des le matin, et se met a la poursuite des
fuyards. En vain les Templiers lui crient qu'il trouble l'ordre, et que
cette retraite des Egyptiens n'est peut-etre qu'une ruse concertee: il
n'ecoute rien que son ardeur et la crainte que quelqu'un ne le devance.
Malheureusement il avait aupres de lui un seigneur d'une grande
consideration, que les annees avaient rendu si sourd, qu'il n'entendait
point ce que disaient les Templiers: c'etait Foucault de Melle, qui
avait ete son guverneur, et qui, par honneur, tenait la bride du cheval
de son eleve. Ce brave vieillard n'ayant rien tant a coeur que de voir
le comte remporter le prix de cette journee, loin de l'arreter, suivant
l'ordre du roi qu'il ignorait, criait a pleine voix: _Or a eux! or a
eux!_ Quand les Templiers virent l'inutilite de leurs repesentations,
_ils se penserent etre ahontes_, dit Joinville, _s'ils laissoient aller
le prince devant eux: lors tout d'un accord, vont serir des eperons tant
qu'ils purent_. Cette troupe de _preux_, au nombre de quatorze cents
chevaliers, d'autres disent deux mille, arrive dans cet etat au camp des
infideles, passe les premieres gardes au fil de l'epee, et porte partout
la terreur et la mort. Ils ne s'attendaient pas a une attaque de cette
espece. Facardin etait alors dans le bain: il monte a cheval, presque
nu, court aussitot vers le lieu de l'alarme, rallie quelques-uns de ses
gardes, et soutient quelques momens l'impetuosite francaise. Enveloppe
de toutes parts, il recoit au travers du corps un coup de lance qui lui
ote la vie. Le bruit de sa mort assure la victoire aux Francais. La
deroute devint generale, et tous les Sarrasins prirent la fuite. Sitot
que l'avant-garde fut passee, elle entra dans le camp ennemi, fit
main-basse sur tout ce qui s'y rencontra, le mit au pillage, et s'empara
de toutes les machines de guerre.
Le comte d'Artois voyant les ennemis fuir de tous cotes, eut bientot
oublie son serment: accompagne de quelques-uns de ses chevaliers, il
quitta la tete de l'avant-garde, et se mit a poursuivre les ennemis. Ce
fut inutilement que Guillaume de Sonnac, grand-maitre du Temple, essaya
de lui representer que leur petit nombre, deja epuise de fatigue,
ne leur permettait pas de s'engager plus avant; que, se montrer a
decouvert, c'etait vouloir detromper les infideles qui les avaient pris
pour toute l'armee; que, revenus de leur erreur, ils se rallieraient,
suivant leur coutume, avec la meme facilite qu'i
|