pres de cent ans plus tard, saint Thomas
d'Aquin resuma toute la theologie dans son admirable livre, il posa
intrepidement le pour et le contre sur toutes les questions, sur tous
les articles des questions, et, divisant a l'infini les objections et
les reponses, opposant une par une, autorite a autorite, raisonnement a
raisonnement, il ecrivit, sans jamais faiblir, sans jamais douter,
un ouvrage aussi dogmatique par les conclusions que sceptique par
l'exposition. _La Somme theologique_ presente la religion tout entiere
comme une immense controverse dialectique, dans laquelle le dogme finit
toujours par avoir raison. C'est la negation la plus franche et la pins
developpee de l'absolutisme dogmatique. Ainsi la theologie scolastique,
etudiee dans l'esprit de la foi, mais enseignee comme une science, est
devenue, avec le temps, la theologie proprement dite; avec le temps, il
n'y en a guere eu d'autre dans les ecoles. C'est essentiellement celle
qui s'est perpetuee dans les seminaires. Au XVIIe siecle, le P.
Petau, en composant son remarquable traite des dogmes theologiques,
reconnaissait pour ses devanciers saint Jean de Damas, Pierre Lombard et
saint Thomas, et quand l'Eglise veut reellement enseigner, il faut bien,
de gre ou de force, qu'elle redevienne scolastique. Elle n'a pas encore
en France d'autre theologie reconnue.
Cependant les ames ferventes, les esprits simples et pratiques, les
hommes de gouvernement dans l'Eglise sont loin d'avoir toujours porte
une grande confiance a ce genre d'enseignement. Chose singuliere! il a
souvent alarme tout ensemble le mysticisme et la politique. Pour dire le
vrai, il n'est pas rigoureusement d'accord avec ce caractere imperatif
que donne a la parole de Dieu le pretre qui se sent revetu d'une mission
de commandement, et croit representer celui dont il est ecrit: _Tanquam
potestatem habens_ (Math. VIII, 29). Concevons que, soit comme mystique,
soit comme homme d'Etat, saint Bernard n'ait pas vu sans effroi la
transformation dialectique de la predication religieuse, Aujourd'hui
meme il serait difficile de concilier l'enseignement traditionnel de la
theologie avec la doctrine des nouveaux apologistes. On est devenu si
reserve en matiere de raisonnement, que si la chose etait a faire, je
ne sais si le clerge donnerait les mains a l'invention de la theologie
didactique. A ses yeux, en effet, le christianisme pourrait bien avoir
peu a se louer de la philosophie du moyen age; car c'est s
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