Interets,
erreurs, fautes et crimes, etaient, en 1794, les memes qu'en 1793.
L'Angleterre seule avait augmente ses forces. Les coalises possedaient
toujours dans les Pays-Bas cent cinquante mille hommes, Autrichiens,
Allemands, Hollandais et Anglais. Vingt-cinq ou trente mille Autrichiens
etaient a Luxembourg; soixante-cinq mille Prussiens et Saxons aux environs
de Mayence. Cinquante mille Autrichiens, meles de quelques emigres,
bordaient le Rhin, de Manheim a Bale. L'armee piemontaise etait toujours de
quarante mille hommes et de sept ou huit mille Autrichiens auxiliaires.
L'Espagne avait fait quelques recrues pour recomposer ses bataillons, et
avait demande des secours pecuniaires au clerge; mais son armee n'etait pas
plus considerable que l'annee precedente, et se bornait toujours aune
soixantaine de mille hommes, repartis entre les Pyrenees occidentales et
orientales.
C'est au Nord que l'on se proposait de nous porter les coups les plus
decisifs, en s'appuyant sur Conde, Valenciennes et le Quesnoy. Le celebre
Mack avait redige a Londres un plan duquel on esperait de grands resultats.
Cette fois, le tacticien allemand, se montrant un peu plus hardi, avait
fait entrer dans son projet une marche sur Paris. Malheureusement, il etait
trop tard pour deployer de la hardiesse, car les Francais ne pouvaient plus
etre surpris, et leurs forces etaient immenses. Le plan consistait a
prendre encore une place, celle de Landrecies, de se grouper en force sur
ce point, d'amener les Prussiens des Vosges vers la Sambre, et de marcher
en avant en laissant deux corps sur les ailes, l'un en Flandre, l'autre sur
la Sambre. En meme temps, lord Moira devait debarquer des troupes dans la
Vendee, et aggraver nos dangers par une double marche sur Paris.
Prendre Landrecies quand on avait Valenciennes, Conde et le Quesnoy, etait
un soin pueril; couvrir ses communications vers la Sambre etait fort sage;
mais placer un corps pour garder la Flandre etait fort inutile, quand il
s'agissait de former une masse puissante d'invasion: amener les Prussiens
sur la Sambre etait fort douteux, comme nous le verrons; enfin, la
diversion dans la Vendee etait depuis un an devenue impossible, car la
grande Vendee avait peri. On va voir, par la comparaison du projet avec
l'evenement, la vanite de ces plans ecrits a Londres[4].
[Note 4: Ceux qui voudront lire la meilleure discussion politique et
militaire sur ce sujet, n'ont qu'a chercher le memoire critique
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