efs
d'un parti qui ne gouvernent ce parti que par leur influence, et qui
veulent en rester maitres, doivent le flatter toujours, rapporter sans
cesse a lui le pouvoir dont ils jouissent, et, tout en le gouvernant,
paraitre lui obeir.
Le membres du comite de salut public, chefs de la Montagne, ne devaient pas
s'isoler d'elle et de la convention, et devaient repousser au contraire
tout ce qui paraitrait les elever trop au-dessus de leurs collegues. Deja
on s'etait ravise, et l'etendue de leur puissance frappait les esprits,
meme dans leur propre parti. Deja on voyait en eux des dictateurs, et
c'etait Robespierre surtout dont la haute influence commencait a offusquer
les yeux. On s'habituait a dire, non plus, _le comite le veut_, mais
_Robespierre le veut_. Fouquier-Tinville disait a un individu qu'il
menacait du tribunal revolutionnaire: _Si Robespierre le veut, tu y
passeras_. Les agens du pouvoir nommaient sans cesse Robespierre dans leurs
operations, et semblaient rapporter tout a lui, comme a la cause de
laquelle tout emanait. Les victimes ne manquaient pas de lui imputer leurs
maux, et dans les prisons on ne voyait qu'un oppresseur, _Robespierre_. Les
etrangers eux-memes dans leurs proclamations appelaient les soldats
francais _soldats de Robespierre_. Cette expression se trouvait dans une
proclamation du duc d'York. Sentant combien etait dangereux l'usage qu'on
faisait de son nom, Robespierre s'empressa de prononcer a la convention un
discours, pour repousser ce qu'il appelait des insinuations perfides, dont
le but etait de le perdre; il le repeta aux Jacobins, et il s'attira les
applaudissemens qui accueillaient toutes ses paroles. Le _Journal de la
Montagne_ et _le Moniteur_, ayant le lendemain repete ce discours, et ayant
dit que c'etait un chef-d'oeuvre dont l'analyse etait impossible, parce que
_chaque mot valait une phrase, et chaque phrase une page_, il s'emporta
vivement, et vint le lendemain se plaindre aux Jacobins des journaux qui
flagornaient avec affectation les membres du comite, afin de les perdre en
leur donnant les apparences de la toute-puissance. Les deux journaux furent
obliges de se retracter, et de s'excuser d'avoir loue Robespierre, en
assurant que leurs intentions etaient pures.
Robespierre avait de la vanite, mais il n'etait pas assez grand pour etre
ambitieux. Avide de flatteries et de respects, il s'en nourrissait, et se
justifiait de les recevoir en assurant qu'il ne voulait pas de la
|