elets, ouvraient les
flancs des batimens a coups de hache, et les faisaient couler bas. Quatre
ou cinq mille individus perirent de cette maniere affreuse. Carrier se
rejouissait d'avoir trouve ce moyen plus expeditif et plus salubre de
delivrer la republique de ses ennemis. Il noya non-seulement des hommes,
mais un grand nombre de femmes et d'enfans[1]. Lorsque les familles
vendeennes s'etaient dispersees apres la deroute de Savenay, une foule de
Nantais avaient recueilli des enfans pour les elever. "Ce sont des
louveteaux" dit Carrier; et il ordonna qu'ils fussent restitues a la
republique. Ces malheureux enfans furent noyes pour la plupart.
La Loire etait chargee de cadavres; les vaisseaux, en jetant l'ancre,
soulevaient quelquefois des bateaux remplis de noyes. Les oiseaux de proie
couvraient les rivages du fleuve, et se nourrissaient de debris humains[8].
Les poissons etaient repus d'une nourriture qui en rendait l'usage
dangereux, et la municipalite avait defendu d'en pecher. A ces horreurs se
joignaient une maladie contagieuse et la disette. Au milieu de ce desastre,
Carrier, toujours bouillant de colere, defendait le moindre mouvement de
pitie, saisissait au collet, menacait de son sabre ceux qui venaient lui
parler, et avait fait afficher que quiconque viendrait solliciter pour un
detenu serait jete en prison. Heureusement le comite de salut public venait
de le remplacer, car il voulait bien l'extermination, mais sans
extravagance. On evalue a quatre ou cinq mille les victimes de Carrier. La
plupart etaient des Vendeens.
[Note 8: Deposition d'un capitaine de vaisseau dans le proces de Carrier.]
Bordeaux, Marseille, Toulon, expiaient leur federalisme. A Toulon, les
representans Freron et Barras avaient fait mitrailler deux cents habitans,
et avaient puni sur eux un crime dont les veritables auteurs s'etaient
sauves sur les escadres etrangeres. Maignet exercait dans le departement de
Vaucluse une dictature aussi redoutable que les autres envoyes de la
convention. Il avait fait incendier le bourg de Bedouin, pour cause de
revolte, et, a sa requete, le comite de salut public avait institue a
Orange un tribunal revolutionnaire, dont le ressort comprenait tout le
Midi. Ce tribunal etait organise sur le modele meme du tribunal
revolutionnaire de Paris, avec cette difference, qu'il n'y avait point de
jures, et que cinq juges condamnaient, sur ce qu'ils appelaient _des
preuves morales_, les malheureux que Maignet rec
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