ait, et les ressentimens s'accumulaient
dans les coeurs. Robespierre avait entierement cesse de paraitre au comite
de salut public. Il esperait discrediter le gouvernement de ses collegues,
en n'y prenant plus aucune part; il ne se montrait qu'aux Jacobins, ou
Billaud et Collot n'osaient plus paraitre, et ou il etait tous les jours
plus adore. Il commencait a y faire des ouvertures sur les divisions
intestines des comites. "Autrefois, disait-il (13 messidor), la faction
sourde qui s'est formee des restes de Danton et de Camille Desmoulins,
attaquait les comites en masse; aujourd'hui, elle aime mieux attaquer
quelques membres en particulier, pour parvenir a briser le faisceau.
Autrefois, elle n'osait pas attaquer la justice nationale; aujourd'hui elle
se croit assez forte pour calomnier le tribunal revolutionnaire, et le
decret concernant son organisation; elle attribue ce qui appartient a tout
le gouvernement a un seul individu; elle ose dire que le tribunal
revolutionnaire a ete institue pour egorger la convention nationale, et
malheureusement elle n'a obtenu que trop de confiance. On a cru a ses
calomnies, on les a repandues avec affectation; on a parle de dictateur, on
l'a nomme; c'est moi qu'on a designe, et vous fremiriez _si je vous disais
en quel lieu_. La verite est mon seul asile contre le crime. Ces calomnies
ne me decourageront pas sans doute, mais elles me laissent indecis sur la
conduite que j'ai a tenir. En attendant que j'en puisse dire davantage,
j'invoque pour le salut de la republique les vertus de la convention, les
vertus des comites, les vertus des bons citoyens, et les votres enfin, qui
ont ete si souvent utiles a la patrie."
On voit par quelles insinuations perfides Robespierre commencait a denoncer
les comites, et a rattacher exclusivement a lui les jacobins. On le payait
de ces marques de confiance par une adulation sans bornes. Le systeme
revolutionnaire lui etant impute a lui seul, il etait naturel que toutes
les autorites revolutionnaires lui fussent attachees et embrassassent sa
cause avec chaleur. Aux jacobins devaient se joindre la commune, toujours
unie de principes et de conduite avec les jacobins, et tous les juges et
jures du tribunal revolutionnaire. Cette reunion formait une force assez
considerable, et, avec plus de resolution et d'energie, Robespierre aurait
pu devenir tres redoutable. Par les jacobins, il possedait une masse
turbulente, qui jusqu'ici avait represente et domine l'op
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