clamer sans passer pour un ambitieux, j'en conclurai que les
principes sont proscrits, et que la tyrannie regne parmi nous, mais non que
je doive le taire; car que peut-on objecter a un homme qui a raison, et qui
sait mourir pour son pays? Je suis fait pour combattre le crime, non pour
le gouverner. Le temps n'est point encore arrive ou les hommes de bien
pourront servir impunement la patrie."
Robespierre avait commence son discours dans le silence, il l'acheve dans
le silence. Dans toutes les parties de la salle on reste muet en le
regardant. Ces deputes, autrefois si empresses, sont devenus de glace; ils
n'expriment plus rien, et semblent avoir le courage de rester froids depuis
que les tyrans, divises entre eux, les prennent pour juges. Tous les
visages sont devenus impenetrables. Une espece de rumeur sourde s'eleve peu
a peu dans l'assemblee; mais personne n'ose encore prendre la parole.
Lecointre (de Versailles), l'un des ennemis les plus energiques de
Robespierre, se presente le premier, mais c'est pour demander l'impression
du discours, tant les plus hardis hesitent encore a livrer l'attaque.
Bourdon (de l'Oise) ose s'opposer a l'impression, en disant que ce discours
renferme des questions trop graves, et il demande le renvoi aux deux
comites. Barrere, toujours prudent, appuie la demande de l'impression, en
disant que dans un pays libre il faut tout imprimer. Couthon s'elance a la
tribune, indigne de voir une contestation au lieu d'un elan d'enthousiasme,
et reclame non seulement l'impression, mais l'envoi a toutes les communes
et a toutes les armees. Il a besoin, dit-il, d'epancher son coeur ulcere,
car depuis quelque temps on abreuve de degouts les deputes les plus fideles
a la cause du peuple; on les accuse de verser le sang, d'en vouloir verser
encore; et cependant, s'il croyait avoir contribue a la perte d'un seul
innocent, il s'immolerait de douleur. Les paroles de Couthon reveillerent
tout ce qui restait de soumission dans l'assemblee; elle vota l'impression
et l'envoi du discours a toutes les municipalites.
Les adversaires de Robespierre allaient avoir le desavantage; mais Vadier,
Cambon, Billaud-Varennes, Panis, Amar, demandent la parole pour repondre
aux accusations de Robespierre. Les courages sont ranimes par le danger, et
la lutte commence. Tous veulent parler a la fois. On fixe le tour de
chacun. Vadier est admis le premier a s'expliquer. Il justifie le comite de
surete generale, et soutient que le
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