d'empecher les capitaux d'abandonner les assignats pour se convertir en
lettres de change sur Francfort, Amsterdam, Londres, etc. En saisissant les
valeurs que les Espagnols, les Allemands, les Hollandais, les Anglais,
avaient sur la France, on provoqua une mesure pareille de la part de
l'etranger, et toute circulation d'effets de credit avait cesse entre la
France et l'Europe. Il n'existait plus de relations qu'avec les pays
neutres, le Levant, la Suisse, le Danemark, la Suede et les Etats-Unis;
mais la commission du commerce et des approvisionnemens en avait use toute
seule, pour se procurer des grains, des fers et differens objets
necessaires a la marine. Elle avait requis pour cela tout le papier; elle
en donnait aux banquiers francais la valeur en assignats, et s'en servait
en Suisse, en Suede, en Danemark, en Amerique, pour payer les grains et les
differens produits qu'elle achetait.
Tout le commerce de la France se trouvait donc reduit aux approvisionnemens
que le gouvernement faisait dans les pays etrangers, au moyen des valeurs
requises forcement chez les banquiers francais. A peine arrivait-il dans
les ports quelques marchandises venues par le commerce libre, qu'elles
etaient aussitot frappees de requisition, ce qui decourageait entierement,
comme nous venons de le montrer, les negocians auxquels le fret et les
assurances avaient coute enormement, et qui etaient obliges de vendre au
_maximum_. Les seules marchandises un peu abondantes dans les ports etaient
celles qui provenaient des prises faites sur l'ennemi; mais les unes
etaient immobilisees par les requisitions, les autres par les prohibitions
portees contre tous les produits des nations ennemies. Nantes, Bordeaux,
deja devastees par la guerre civile, etaient reduites par cet etat du
commerce a une inertie absolue et a une detresse extreme. Marseille, qui
vivait autrefois de ses relations avec le Levant, voyait son port bloque
par les Anglais, ses principaux negocians disperses par la terreur, ses
savonneries detruites ou transportees en Italie, et faisait a peine
quelques echanges desavantageux avec les Genois. Les villes de l'interieur
n'etaient pas dans un etat moins triste. Nimes avait cesse de produire ses
soieries, dont elle exportait autrefois pour 20 millions. L'opulente ville
de Lyon, ruinee par les bombes et la mine, etait maintenant en demolition,
et ne fabriquait plus les riches tissus dont elle fournissait autrefois
pour plus de 60 millions a
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