pirateurs contre la liberte etaient dans le sein meme de la convention.
Ils faisaient repandre leur adresse dans tous les departemens, et
particulierement dans les sections de Paris.
Le parti qui leur etait oppose devenait chaque jour plus hardi. Il s'etait
deja donne des couleurs, des moeurs a part, des lieux et des mots de
ralliement. Il se composait surtout dans l'origine, comme nous l'avons dit,
de jeunes gens appartenant aux familles persecutees, ou echappes a la
requisition. Les femmes s'etaient jointes a eux; elles avaient passe le
dernier hiver dans l'effroi; elles voulaient passer celui-ci dans les fetes
et les plaisirs. Frimaire (decembre) approchait: elles etaient pressees de
faire succeder aux apparences de l'indigence, de la simplicite, de la
salete meme, qu'on avait long-temps affectees pendant la terreur, les
brillantes parures, les moeurs elegantes et les festins. Elles se liguaient
dans une cause commune avec ces jeunes ennemis d'une farouche democratie;
elles excitaient leur zele, et leur faisaient une loi de la politesse et
des costumes soignes. La mode recommencait son empire. Il fallait porter
les cheveux noues en tresse, et rattaches sur le derriere de la tete avec
un peigne. C'etait un usage emprunte aux militaires, qui disposaient ainsi
leurs cheveux pour parer les coups de sabre. On prouvait par la qu'on
venait de prendre part aux victoires de nos armees. Il fallait porter
encore de grandes cravates, des collets noirs ou verts, suivant un usage de
chouans, et surtout un crepe au bras, comme parent d'une victime du
tribunal revolutionnaire. On voit quel singulier melange d'idees, de
souvenirs, d'opinions, presidait a ces modes de la _jeunesse doree_; car
c'etait la le nom qu'on lui donnait alors. Le soir, dans les salons qui
commencaient a redevenir brillans, on payait par des eloges les jeunes
hommes qui avaient deploye leur courage dans les sections, au Palais-Royal,
dans le jardin des Tuileries, et les ecrivains qui, dans les mille
brochures et feuilles du jour, poursuivaient de sarcasmes la _canaille
revolutionnaire_.
Freron etait devenu le chef des journalistes; il redigeait _l'Orateur du
peuple_, qui fut bientot fameux. C'est le journal que lisait la jeunesse
doree, et dans lequel elle allait chercher ses instructions de chaque jour.
Les theatres n'etaient pas encore ouverts. Les acteurs de la
Comedie-Francaise etaient toujours en prison. A defaut de ce lieu de
reunion, on allait se mon
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