a la mise en
accusation devant le tribunal revolutionnaire. Carrier essaya faiblement de
se defendre; il rejeta toutes les cruautes sur l'exasperation produite par
la guerre civile, sur la necessite de terrifier la Vendee toujours
menacante, enfin sur l'impulsion du comite de salut public, auquel il n'osa
pas imputer les noyades, mais auquel il attribua cette inspiration
d'energie feroce qui avait entraine plusieurs commissaires de la
convention. Ici renaissaient des questions dangereuses, deja soulevees
plusieurs fois; on se voyait expose encore a discuter la part de chacun
dans les violences de la revolution. Les commissaires pouvaient rejeter sur
les comites, les comites sur la convention, la convention sur la France,
cette inspiration qui avait amene de si affreuses mais de si grandes
choses, qui etait commune a tout le monde, et qui surtout dependait d'une
situation sans exemple. "Tout le monde, dit Carrier dans un moment de
desespoir, tout le monde est coupable ici, jusqu'a la sonnette du
president." Cependant le recit des horreurs commises a Nantes avait excite
une indignation si grande, que pas un membre n'osa defendre Carrier, et ne
songea a le justifier par des considerations generales. Il fut decrete
d'accusation a l'unanimite, et envoye au tribunal revolutionnaire.
La reaction faisait donc des progres rapides. Les coups qu'on n'avait pas
ose frapper encore sur les membres des anciens comites de gouvernement,
etaient diriges sur Carrier. Tous les membres des comites revolutionnaires,
tous ceux de la convention qui avaient rempli des missions, tous les hommes
enfin qui avaient ete charges de fonctions rigoureuses, commencaient a
trembler pour eux-memes.
Les jacobins, deja frappes d'un decret qui leur interdisait l'affiliation
et la correspondance en nom collectif, avaient besoin de prudence; mais
depuis les derniers evenemens[1], il etait peu probable qu'ils sussent se
contenir, et eviter une lutte avec la convention et les thermidoriens. Ce
qui s'etait passe a l'egard de Carrier amena en effet une seance orageuse
dans leur club. Crassous, depute et jacobin, fit un tableau des moyens
employes par l'aristocratie pour perdre les patriotes. "Le proces qui
s'instruit maintenant devant le tribunal revolutionnaire, dit-il, est sa
principale ressource, et celle sur laquelle elle fait le plus de fond; les
accuses ont a peine la faculte d'etre entendus devant le tribunal; les
temoins sont presque tous des gens inter
|