la tribune, un pistolet a la main,
disant qu'il ne survivra pas a la calomnie, si on ne le laisse pas se
justifier. Plusieurs membres l'entourent, et l'obligent a descendre. Le
president Thuriot declare qu'il va lever la seance si le tumulte ne
s'apaise pas. Duhem et Amar veulent que l'on continue la discussion, parce
que c'est un devoir de l'assemblee a l'egard des membres inculpes. Thuriot,
l'un des thermidoriens les plus ardens, mais cependant montagnard zele,
voyait avec peine qu'on agitat de pareilles questions.
Il prend la parole de son fauteuil, et dit a l'assemblee: "D'une part,
l'interet public veut qu'une pareille discussion finisse sur-le-champ; de
l'autre, l'interet des inculpes veut qu'elle continue: concilions l'un et
l'autre en passant a l'ordre du jour sur la proposition de Lecointre, et en
declarant que l'assemblee n'a recu cette proposition qu'avec une profonde
indignation." L'assemblee adopte avec empressement l'avis de Thuriot, et
passe a l'ordre du jour en fletrissant la proposition de Lecointre.
Tous les hommes sincerement attaches a leur pays avaient vu cette
discussion avec la plus grande peine. Comment, en effet, revenir sur le
passe, distinguer le mal du bien, et discerner a qui appartenait la
tyrannie qu'on venait de subir? Comment faire la part de Robespierre et des
comites qui avaient partage le pouvoir, celle de la convention qui les
avait supportes, celle enfin de la nation, qui avait souffert et la
convention et les comites de Robespierre? Comment d'ailleurs juger cette
tyrannie? Etait-elle un crime d'ambition, ou bien l'action energique et
irreflechie d'hommes voulant sauver leur cause a tout prix, et s'aveuglant
sur les moyens dont ils faisaient usage? Comment distinguer dans cette
action confuse la part de la cruaute, de l'ambition, du zele egare, du
patriotisme sincere et energique? Demeler tant d'obscurites, juger tant de
coeurs d'hommes, etait impossible. Il fallait oublier le passe, recevoir
des mains de ceux qu'on venait d'exclure du pouvoir, la France sauvee,
regler des mouvemens desordonnes, adoucir des lois trop cruelles, et songer
qu'en politique il faut reparer les maux et jamais les venger.
Tel etait l'avis des hommes sages. Les ennemis de la revolution
s'applaudissaient de la demarche de Lecointre, et en voyant la discussion
fermee, ils repandirent que la convention avait eu peur, et n'avait ose
aborder des questions trop dangereuses pour elle-meme. Les jacobins, au
con
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