, le gendarme Meda,
et plusieurs autres, laissant Bourdon avec ses bataillons sur la place de
la commune, montent armes de sabres et de pistolets, et entrent dans la
salle du conseil, a l'instant meme ou le bruit des deux coups de feu venait
de se faire entendre. Les officiers municipaux allaient oter leur echarpe,
mais Dulac menace de sabrer le premier qui songera a s'en depouiller. Tout
le monde reste immobile; on s'empare de tous les officiers municipaux, des
Payan, des Fleuriot, des Dumas, des Coffinhal, etc.; on emporte les blesses
sur des brancards, et on se rend triomphalement a la convention.... Il
etait trois heures du matin. Les cris de victoire retentissent autour de la
salle, et penetrent jusque sous ses voutes. Alors les cris de vive la
liberte! vive la convention! a bas les tyrans! s'elevent de toutes parts.
Le president dit ces paroles: "Representans, Robespierre et ses complices
sont a la porte de votre salle; voulez-vous qu'on les transporte devant
vous?--Non, non, s'ecrie-t-on de tous cotes; au supplice les
conspirateurs!"
Robespierre est transporte avec les siens dans la salle du comite de salut
public. On l'etend sur une table, et on lui met quelques cartons sous la
tete. Il conservait sa presence d'esprit, et paraissait impassible. Il
avait un habit bleu, le meme qu'il portait a la fete de l'Etre supreme, des
culottes de nankin, et des bas blancs, qu'au milieu de ce tumulte il avait
laisse retomber sur ses souliers. Le sang jaillissait de sa blessure, il
l'essuyait avec un fourreau de pistolet. On lui presentait de temps en
temps des morceaux de papier, qu'il prenait pour s'essuyer le visage. Il
demeura ainsi plusieurs heures expose a la curiosite et aux outrages d'une
foule de gens. Quand le chirurgien arriva pour le panser, il se leva
lui-meme, descendit de dessus la table, et alla se placer sur un fauteuil.
Il subit un pansement douloureux, sans faire entendre aucune plainte. Il
avait l'insensibilite et la secheresse de l'orgueil humilie. Il ne
repondait a aucune parole. On le transporta ensuite avec Saint-Just,
Couthon et les autres, a la Conciergerie. Son frere et Henriot avaient ete
recueillis a moitie morts, dans les rues qui avoisinent l'Hotel-de-Ville.
La mise hors la loi dispensait d'un jugement; il suffisait de constater
l'identite. Le lendemain matin, 10 thermidor (28 juillet), les coupables
comparaissent au nombre de vingt-un devant le tribunal ou ils avaient
envoye tant de victimes.
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