La plus
grande partie des montagnards, republicains sinceres, exaltes, voyant avec
horreur tout projet d'usurpation, avaient aide au 9 thermidor, moins encore
pour renverser un regime sanguinaire, que pour frapper un Cromwell
naissant. Sans doute ils trouvaient inique la justice revolutionnaire telle
que Robespierre, Saint-Just, Couthon, Fouquier et Dumas, l'avaient faite;
mais ils n'entendaient diminuer en rien l'energie du gouvernement, et ne
voulaient faire aucun quartier a ce qu'on appelait les aristocrates. La
plupart etaient des hommes purs et rigides, etrangers a la dictature et a
ses actes, et nullement interesses a la soutenir; mais aussi des
revolutionnaires ombrageux, qui ne voulaient pas que le 9 thermidor se
changeat en une reaction, et tournat au profit d'un parti. Parmi ceux de
leurs collegues qui s'etaient coalises pour renverser la dictature, ils
voyaient avec defiance des hommes qui passaient pour des fripons, des
dilapidateurs, des amis de Chabot, de Fabre d'Eglantine, des membres enfin
du parti concussionnaire, agioteur et corrompu. Ils les avaient secondes
contre Robespierre, mais ils etaient prets a les combattre s'ils les
voyaient tendre ou a refroidir l'energie revolutionnaire, ou a detourner
les derniers evenemens au profit d'une faction quelconque. On avait accuse
Danton de corruption, de federalisme, d'orleanisme, de royalisme: il n'est
pas etonnant qu'il s'elevat contre ses amis victorieux des soupcons du meme
genre. Au reste, aucune attaque n'etait encore portee; mais les
elargissemens nombreux, le soulevement general contre le systeme
revolutionnaire, commencaient a eveiller les craintes.
Les veritables auteurs du 9 thermidor, au nombre de quinze ou vingt, et
dont les principaux etaient Legendre, Freron, Tallien, Merlin (de
Thionville), Barras, Thuriot, Bourdon (de l'Oise), Dubois-Crance, Lecointre
(de Versailles) ne voulaient pas plus que leurs collegues incliner au
royalisme et a la contre-revolution; mais excites par le danger et par la
lutte, ils etaient plus prononces contre les lois revolutionnaires. Il
avaient d'ailleurs beaucoup plus de cette propension a s'adoucir qui avait
perdu leurs amis Danton et Desmoulins. Entoures, applaudis, sollicites, ils
etaient plus entraines que leurs collegues de la Montagne dans le systeme
de la clemence. Il etait meme possible que plusieurs d'entre eux fissent
quelques sacrifices a leur position nouvelle. Rendre des services a des
familles eplorees,
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