Muses se consolaient sur
la fatale charrette, en repetant des vers de Racine. Le jeune Andre, en
montant a l'echafaud, poussa le cri du genie arrete dans sa carriere:
_Mourir si jeune!_ s'ecria-t-il en se frappant le front; _il y avait
quelque chose la!_
Pendant la nuit qui suivit, on s'agita de toutes parts, et chacun songea a
recueillir ses forces. Les comites s'etaient reunis, et deliberaient sur
les grands evenemens de la journee et sur ceux du lendemain. Ce qui venait
de se passer aux Jacobins prouvait que le maire et Henriot soutiendraient
les triumvirs, et que le lendemain on aurait a lutter contre toutes les
forces de la commune. Faire arreter ces deux principaux chefs eut ete le
plus prudent, mais les comites hesitaient encore; ils voulaient, ne
voulaient pas; ils se sentaient comme une espece de regret d'avoir commence
la lutte. Ils voyaient que si la convention etait assez forte pour vaincre
Robespierre, elle rentrerait dans tous ses pouvoirs, et qu'ils seraient
arraches aux coups de leur rival, mais depossedes de la dictature.
S'entendre avec lui eut bien mieux valu sans doute; mais il n'etait plus
temps. Robespierre s'etait bien garde de se rendre au milieu d'eux, apres
la seance des jacobins. Saint-Just, arrive de l'armee depuis quelques
heures, les observait. Il etait silencieux. On lui demanda le rapport dont
on l'avait charge dans la derniere entrevue, et on voulut en entendre la
lecture; il repondit qu'il ne pouvait le communiquer, l'ayant donne a lire
a l'un de ses collegues. On lui demanda d'en faire au moins connaitre la
conclusion; il s'y refusa encore. Dans ce moment, Collot entre tout irrite
de la scene qu'il venait d'essuyer aux Jacobins. "Que se passe-t-il aux
Jacobins? lui dit Saint-Just.--Tu le demandes? replique Collot avec colere;
n'es-tu pas le complice de Robespierre? n'avez-vous pas combine ensemble
tous vos projets? Je le vois, vous avez forme un infame triumvirat, vous
voulez nous assassiner; mais si nous succombons, vous ne jouirez pas
long-temps du fruit de vos crimes." Alors s'approchant de Saint-Just avec
vehemence: "Tu veux, lui dit-il, nous denoncer demain matin; tu as ta poche
pleine de notes contre nous, montre-les...." Saint-Just vide ses poches, et
assure qu'il n'en a aucune. On apaise Collot, et on exige de Saint-Just
qu'il vienne a onze heures du matin communiquer son rapport, avant de le
lire a l'assemblee. Les comites, avant de se separer, conviennent de
demander a la co
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