mites qui craignaient
Robespierre auraient mieux aime s'expliquer, et concilier leur ambition,
que se livrer un combat dangereux. Robespierre avait mande son jeune
collegue Saint-Just, et celui-ci etait revenu aussitot de l'armee. On
proposa de se reunir, pour essayer de s'entendre. Robespierre se fit
beaucoup prier avant de consentir a une entrevue; il y consentit enfin, et
les deux comites s'assemblerent; on se plaignit reciproquement avec
beaucoup d'amertume. Robespierre s'exprima sur lui-meme avec son orgueil
accoutume, denonca des conciliabules secrets, parla de deputes
conspirateurs a punir, blama toutes les operations du gouvernement, et
trouva tout mauvais, administration, guerre et finances. Saint-Just appuya
Robespierre, en fit un eloge magnifique, et dit ensuite que le dernier
espoir de l'etranger etait de diviser le gouvernement. Il raconta ce
qu'avait dit un officier fait prisonnier devant Maubeuge. On attendait,
suivant cet officier, qu'un parti plus modere abattit le gouvernement
revolutionnaire, et fit prevaloir d'autres principes. Saint-Just s'appuya
sur ce fait, pour faire sentir davantage la necessite de se concilier et de
marcher d'accord. Les antagonistes de Robespierre etaient bien de cet avis,
et ils consentirent a s'entendre pour rester maitres de l'etat; mais pour
s'entendre il fallait consentir a tout ce que voulait Robespierre, et de
pareilles conditions ne pouvaient leur convenir. Les membres du comite de
surete generale se plaignirent beaucoup de ce qu'on leur avait enleve leurs
fonctions; Elie Lacoste poussa la hardiesse jusqu'a dire que Couthon,
Saint-Just et Robespierre formaient un comite dans les comites, et osa meme
prononcer le mot de triumvirat. Cependant on convint de quelques
concessions reciproques. Robespierre consentit a borner son bureau de
police generale a la surveillance des agens du comite de salut public; et
en retour, ses adversaires consentirent a charger Saint-Just de faire un
rapport a la convention, sur l'entrevue qui venait d'avoir lieu. Dans ce
rapport, comme on le pense bien, on ne devait pas convenir des divisions
qui avaient regne entre les comites, mais on devait parler des commotions
que l'opinion publique venait de ressentir dans les derniers temps, et
fixer la marche que le gouvernement se proposait de suivre. Billaud et
Collot insinuerent qu'il ne fallait pas trop y parler de l'Etre supreme,
car ils avaient toujours le pontificat de Robespierre devant les yeux.
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