quels il n'est pas entraine par la fureur, est un
spectacle qui finit bientot par l'emouvoir. Cependant cette pitie etait
silencieuse et timide encore. Tout ce que les prisons renfermaient de plus
distingue avait succombe; la malheureuse soeur de Louis XVI avait ete
immolee a son tour; des rangs eleves on descendait deja aux derniers rangs
de la societe. Nous voyons sur les listes du tribunal revolutionnaire a
cette epoque, des tailleurs, des cordonniers, des perruquiers, des
bouchers, des cultivateurs, des limonadiers, des ouvriers meme, condamnes
pour sentimens et propos reputes contre-revolutionnaires. Pour donner enfin
une idee du nombre des executions de cette epoque, il suffira de dire que
du mois de mars 1793, epoque ou le tribunal entra en exercice, jusqu'au
mois de juin 1794 (22 prairial an II), il avait condamne cinq cent
soixante-dix-sept personnes; et que du 10 juin (22 prairial) au 9 thermidor
(27 juillet), il en condamna mille deux cent quatre-vingt-cinq; ce qui
porte en tout le nombre des victimes jusqu'au 9 thermidor, a mille huit
cent soixante-deux.
Cependant les executeurs n'etaient pas tranquilles. Dumas etait trouble, et
Fouquier n'osait sortir la nuit; il voyait les parens de ses victimes
toujours prets a le frapper. Traversant un jour les guichets du Louvre avec
Senart, il s'effraie d'un bruit leger; c'etait un individu qui passait tout
pres de lui.--"Si j'avais ete seul, s'ecria-t-il, il me serait arrive
quelque chose."
Dans les principales villes de France la terreur n'etait pas moins grande
qu'a Paris. Carrier avait ete envoye a Nantes pour y punir la Vendee.
Carrier, jeune encore, etait un de ces etres mediocres et violens qui, dans
l'entrainement de ces guerres civiles, deviennent des monstres de cruaute
et d'extravagance. Il debuta par dire, en arrivant a Nantes, qu'il fallait
tout egorger, et que, malgre la promesse de grace faite aux Vendeens qui
mettraient bas les armes, il ne fallait accorder quartier a aucun d'entre
eux. Les autorites constituees ayant parle de tenir la parole donnee aux
rebelles, "Vous etes des j.... f...., leur dit Carrier, vous ne savez pas
votre metier, je vous ferai tous guillotiner;" et il commenca par faire
fusiller et mitrailler par troupes de cent et de deux cents les malheureux
qui se rendaient. Il se presentait a la societe populaire le sabre a la
main, l'injure a la bouche, menacant toujours de la guillotine. Bientot
cette societe ne lui convenant plus, il
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