dit: si nous battons les ennemis, si nous
dejouons les factions, nous serons assassines. Ce que j'avais prevu est
arrive: les soldats des tyrans ont mordu la poussiere, les traitres ont
peri sur l'echafaud, et les poignards ont ete aiguises contre nous. Je ne
sais quelle impression doivent vous faire eprouver ces evenemens, mais
voici celle qu'ils ont produite sur moi. J'ai senti qu'il etait plus facile
de nous assassiner que de vaincre nos principes et de subjuguer nos armees.
Je me suis dit que plus la vie des defenseurs du peuple est incertaine et
precaire, plus ils doivent se hater de remplir leurs derniers jours
d'actions utiles a la liberte. Moi, qui ne crois pas a la necessite de
vivre, mais seulement a la vertu et a la Providence, je me trouve place
dans un etat ou sans doute les assassins n'ont pas voulu me mettre; je me
sens plus independant que jamais de la mechancete des hommes. Les crimes
des tyrans et le fer des assassins m'ont rendu plus libre et plus
redoutable pour tous les ennemis du peuple; mon ame est plus disposee que
jamais a devoiler les traitres, et a leur arracher le masque dont ils osent
se couvrir. Francais, amis de l'egalite, reposez-vous sur nous du soin
d'employer le peu de vie que la Providence nous accorde a combattre les
ennemis qui nous environnent!" Les acclamations redoublent apres ce
discours, et des transports eclatent dans toutes les parties de la salle.
Robespierre, apres avoir joui quelques instans de cet enthousiasme, prend
encore une fois la parole contre un membre de la societe, qui avait demande
qu'on rendit des honneurs civiques a Geffroy. Il rapproche cette motion de
celle qui tendait a donner des gardes aux membres des comites, et soutient
que ces motions ont pour but d'exciter l'envie et la calomnie contre le
gouvernement, en l'accablant d'honneurs superflus. En consequence il
propose et fait prononcer l'exclusion contre celui qui avait demande pour
Geffroy les honneurs civiques.
Au degre de puissance auquel il etait parvenu, le comite devait tendre a
ecarter les apparences de la souverainete. Il exercait une dictature
absolue, mais il ne fallait pas qu'on s'en apercut trop; et tous les
dehors, toutes les pompes du pouvoir, ne pouvaient que le compromettre
inutilement. Un soldat ambitieux qui est maitre par son epee, et qui veut
un trone, se hate de caracteriser son autorite le plus tot qu'il peut, et
d'ajouter les insignes de la puissance a la puissance meme; mais les ch
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