une calamite, n'etait pas, plus
facile qu'a l'epoque ou elle avait ete une pretention. Les roturieres
mariees a des nobles, et devenues veuves, les acheteurs de charges qui
avaient pris le titre d'ecuyers, reclamaient pour etre exemptes d'une
distinction qu'ils avaient autrefois avidement recherchee. Cette loi
ouvrait donc une nouvelle carriere a l'arbitraire et aux vexations les plus
tyranniques.
Les representans en mission exercaient leur autorite avec la derniere
rigueur, et quelques-uns se livraient a des cruautes extravagantes et
monstrueuses. A Paris, les prisons se remplissaient tous les jours
davantage. Le comite de surete generale avait institue une police qui
repandait la terre en tous lieux. Le chef etait un nomme Heron, qui avait
sous sa direction une nuee d'agens, tous dignes de lui. Ils etaient ce
qu'on appelait les _porteurs d'ordre_ des comites. Les uns faisaient
l'espionnage; les autres, munis d'ordres secrets, souvent meme d'ordres en
blanc, allaient faire des arrestations soit dans Paris, soit dans les
provinces. On leur allouait des sommes pour chacune de leurs expeditions;
ils en exigeaient en outre des prisonniers, et ils ajoutaient ainsi la
rapine a la cruaute. Tous les aventuriers licencies avec l'armee
revolutionnaire, ou renvoyes des bureaux de Bouchotte, avaient passe dans
ces nouveaux emplois, et en etaient devenus bien plus redoutables. Ils
s'introduisaient partout; dans les promenades, les cafes, les spectacles; a
chaque instant on se croyait poursuivi ou ecoute par l'un de ces
inquisiteurs. Grace a leurs soins, le nombre des suspects avait ete porte a
sept ou huit mille dans Paris seulement. Les prisons n'offraient plus le
meme spectacle qu'autrefois; on n'y voyait plus les riches contribuant pour
les pauvres, et des hommes de toute opinion, de tout rang, menant a frais
communs une vie assez douce, et se consolant, par les plaisirs des arts,
des rigueurs de la captivite. Ce regime avait paru trop supportable pour ce
qu'on appelait des aristocrates; on avait pretendu que le luxe et
l'abondance regnaient chez les suspects, tandis qu'au dehors le peuple
etait reduit a la ration; que les riches detenus se plaisaient a gaspiller
des subsistances qui auraient pu servir a alimenter les citoyens indigens,
et il avait ete decide que le regime des prisons serait change. En
consequence il avait ete etabli des refectoires et des tables communes; on
donnait aux prisonniers, a des heures fixees et dans
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