staient pas moins en fonctions.
C'est dans ces momens d'une soumission absolue que les ames exasperees
eclatent, et que les coups de poignard sont a redouter pour les autorites
despotiques. Il se trouvait alors a Paris un homme, employe comme garcon de
bureau a la loterie nationale, qui avait ete autrefois au service de
plusieurs grandes familles, et qui eprouvait une violente haine contre le
regime actuel. Il etait age de cinquante ans, et se nommait Ladmiral. Il
avait forme le projet d'assassiner l'un des membres les plus influens du
comite de salut public, Robespierre ou Collot-d'Herbois. Depuis quelque
temps il s'etait loge dans la meme maison que Collot d'Herbois, rue Favart,
et il hesitait entre Collot et Robespierre. Le 3 prairial (22 mai), resolu
de frapper Robespierre, il se rendit au comite de salut public, et
l'attendit toute la journee dans la galerie qui aboutissait a la salle du
comite. N'ayant pu l'y rencontrer, il etait revenu chez lui, et s'etait
place dans l'escalier afin de frapper Collot-d'Herbois. Vers minuit, Collot
rentrait et montait son escalier, lorsque Ladmiral lui tire un coup de
pistolet a bout portant. Le pistolet fait faux feu. Ladmiral tire un second
coup, et l'arme se refuse encore a son dessein. Il tire une troisieme fois;
cette fois le coup part, mais il n'atteint que les murailles; alors une
lutte s'engage. Collot-d'Herbois crie a l'assassin. Heureusement pour lui
une patrouille passait dans la rue, elle accourt a ce bruit; Ladmiral prend
la fuite alors, remonte dans sa chambre, et s'y enferme. On le suit et on
veut enfoncer la porte. Il declare qu'il est arme, et qu'il va faire feu
sur ceux qui se presenteront pour le saisir. Cette menace n'intimide pas la
patrouille. On force la porte; un serrurier, nomme Geffroy, s'avance le
premier, et recoit un coup de fusil qui le blesse presque mortellement.
Ladmiral est aussitot arrete et conduit en prison. Interroge par
Fouquier-Tinville, il raconte sa vie, ses projets, et les tentatives qu'il
a faites pour frapper Robespierre avant de songer a Collot-d'Herbois. On
lui demande qui l'a porte a commettre ce crime. Il repond avec fermete que
ce n'est point un crime; que c'est un service qu'il a voulu rendre a son
pays; que lui seul a concu ce projet sans aucune suggestion etrangere, et
que son unique regret est de n'avoir pas reussi.
Le bruit de cette tentative se repand avec rapidite, et, suivant l'usage,
elle augmente la puissance de ceux con
|