de grandes salles, une
nourriture detestable et malsaine, qu'on leur faisait payer tres cher. Il
ne leur etait plus permis d'acheter des alimens pour suppleer a ceux qu'ils
ne pouvaient pas manger. On faisait des visites, on leur enlevait leurs
assignats, et on leur otait ainsi tout moyen de se procurer des
soulagemens. On ne leur donnait plus la meme liberte de se voir et de vivre
en commun; et aux tourmens de l'isolement venaient s'ajouter les terreurs
de la mort, qui devenait chaque jour plus active et plus prompte. Le
tribunal revolutionnaire commencait, depuis le proces des hebertistes et
des dantonistes, a immoler les victimes par troupes de vingt a la fois. Il
avait condamne la famille des Malesherbes, et leur parente, au nombre de
quinze ou vingt personnes. Le respectable chef de cette maison etait alle a
la mort avec la serenite et la gaiete d'un sage. Faisant un faux pas tandis
qu'il marchait a l'echafaud, il avait dit: "Ce faux pas est d'un mauvais
augure; un Romain serait rentre chez lui." Aux Malesherbes avaient ete
joints vingt-deux membres du parlement. Le parlement de Toulouse fut immole
presque tout entier. Enfin les fermiers-generaux venaient d'etre mis en
jugement a cause de leurs anciens marches avec le fisc. On leur prouva que
ces marches renfermaient des conditions onereuses a l'etat, et le tribunal
revolutionnaire les envoya a l'echafaud, pour des exactions sur le tabac,
le sel, etc. Dans le nombre etait un savant illustre, le chimiste
Lavoisier, qui demanda en vain quelques jours de sursis pour ecrire une
decouverte.
L'impulsion etait donnee; on administrait, on combattait, on egorgeait avec
un ensemble effrayant. Les comites, places au centre, gouvernaient avec la
meme vigueur. La convention, toujours silencieuse, decernait des pensions
aux veuves et aux enfans des soldats morts pour la patrie, reformait des
jugemens de tribunaux, interpretait des decrets, reglait l'echange de
certaines proprietes du domaine, s'occupait en un mot des soins les plus
insignifians et les plus accessoires. Barrere venait tous les jours lui
lire les rapports des victoires: il appelait ces rapports des
_carmagnoles_. A la fin de chaque mois, il annoncait, pour la forme, que
les pouvoirs des comites etaient expires, et qu'il fallait les renouveler.
Alors on lui repondait avec des applaudissemens que les comites n'avaient
qu'a poursuivre leurs travaux. Quelquefois meme il oubliait cette
formalite, et les comites n'en re
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