ecrit par
le general Jomini sur cette campagne, et joint a sa grande Histoire des
guerres de la revolution.]
La coalition n'avait pas, disons-nous, deploye de grandes ressources. Il
n'y avait dans ce moment que trois puissances vraiment actives en Europe,
l'Angleterre, la Russie et la France. La raison en est simple: l'Angleterre
voulait envahir les mers, la Russie s'assurer la Pologne, et la France
sauver son existence et sa liberte. Il n'y avait d'energiques que ces trois
grands interets; il n'y avait de noble que celui de la France; et elle
deploya pour cet interet les plus grands efforts dont l'histoire fasse
mention.
La requisition permanente, decretee au mois d'aout de l'annee precedente,
avait deja procure des renforts aux armees, et contribue aux succes qui
terminerent la campagne; mais cette grande mesure ne devait produire tous
ses effets que dans la campagne suivante. Grace a ce mouvement
extraordinaire, douze cent mille hommes avaient quitte leurs foyers, et
couvraient les frontieres, ou remplissaient les depots de l'interieur. On
avait commence l'embrigadement de ces nouvelles troupes. On reunissait un
bataillon de ligne avec deux bataillons de la nouvelle levee, et on formait
ainsi d'excellens regimens. On avait deja organise sur ce plan sept cent
mille hommes, envoyes aussitot sur les frontieres et dans les places. Il y
en avait, les garnisons comprises, deux cent cinquante mille au Nord,
quarante dans les Ardennes, deux cents sur le Rhin et la Moselle, cent aux
Alpes, cent vingt aux Pyrenees, et quatre-vingts depuis Cherbourg jusqu'a
La Rochelle. Les moyens pour les equiper n'avaient ete ni moins prompts, ni
moins extraordinaires que pour les reunir. Les manufactures d'armes
etablies a Paris et dans les provinces eurent bientot atteint le degre
d'activite qu'on voulait leur donner, et produit des quantites etonnantes
de canons, de fusils et de sabres. Le comite de salut public, profitant
habilement du caractere francais, avait su mettre a la mode la fabrication
du salpetre. Deja, l'annee precedente, il avait ordonne la visite des caves
pour en extraire la terre salpetree. Bientot il fit mieux; il redigea une
instruction, modele de simplicite et de clarte, pour apprendre a tous les
citoyens a lessiver eux-memes la terre des caves. Il paya en outre quelques
ouvriers chimistes pour leur enseigner la manipulation. Bientot ce gout
s'introduisit; on se transmit les instructions qu'on avait recues, et
chaque
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