ord. Ainsi
cette malheureuse nation avait ses vaisseaux et ses regimens au service de
sa plus redoutable ennemie, et contre sa plus sure alliee. La Prusse,
malgre le mysticisme de son roi, etait fort desabusee des illusions dont on
l'avait nourrie depuis deux ans. La retraite de Champagne en 1792, et celle
des Vosges en 1793, n'avaient rien eu d'encourageant pour elle.
Frederic-Guillaume, qui venait d'epuiser son tresor, d'affaiblir son armee
pour une guerre qui ne pouvait avoir aucun resultat favorable a son
royaume, et qui pouvait servir tout au plus la maison d'Autriche, aurait
voulu y renoncer. Un objet d'ailleurs beaucoup plus interessant pour lui
l'appelait au Nord: c'etait la Pologne qui se mettait en mouvement, et dont
les membres epars tendaient a se rejoindre. L'Angleterre, le surprenant au
milieu de ces incertitudes, l'engagea a continuer la guerre par le moyen
tout-puissant de son or. Elle conclut a La Haye, en son nom et en celui de
la Hollande, un traite par lequel la Prusse s'obligeait a fournir
soixante-deux mille quatre cents hommes a la coalition. Cette armee devait
avoir pour chef un Prussien, et ses conquetes futures devaient appartenir
en commun aux deux puissances maritimes, l'Angleterre et la Hollande. En
retour, ces deux puissances promettaient de fournir cinquante mille livres
sterling par mois a la Prusse pour l'entretien de ses troupes, et de lui
payer de plus le pain et le fourrage; outre cette somme, elles accordaient
encore trois cent mille livres sterling, pour les premieres depenses
d'entree en campagne, et cent mille pour le retour dans les etats
prussiens. A ce prix, la Prusse continua la guerre impolitique qu'elle
avait commencee.
La maison d'Autriche n'avait plus rien a empecher en France, puisque la
reine, epouse de Louis XVI, avait expire sur l'echafaud. Elle devait, moins
qu'aucun autre pays, redouter la contagion de la revolution, puisque trente
ans de discussions politiques n'ont pas encore eveille les esprits chez
elle. Elle ne nous faisait donc la guerre que par vengeance, engagement
pris, et desir de gagner quelques places dans les Pays-Bas; peut-etre aussi
par le fol et vague espoir d'avoir une partie de nos provinces. Elle y
mettait plus d'ardeur que la Prusse, mais pas beaucoup plus d'activite
reelle, car elle ne fit que completer et reorganiser ses regimens, sans en
augmenter le nombre. Une grande partie de ses troupes etait en Pologne, car
elle avait, comme la Prusse, un
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