si la dette anglaise, continuellement accrue, et devenue aujourd'hui
enorme, est reellement au-dessus de la richesse du pays et doit s'abimer un
jour, l'Angleterre aura excede ses moyens, et aura eu tort de lutter pour
un empire qui lui aura coute ses forces. Mais c'est la un mystere de
l'avenir.
Pitt ne se refusait aucune violence pour augmenter ses moyens et aggraver
les maux de la France. Les Americains, heureux sous Washington,
parcouraient librement les mers, et commencaient a faire ce vaste commerce
de transport qui les a enrichis pendant les longues guerres du continent.
Les escadres anglaises arretaient les navires americains, et enlevaient les
matelots de leurs equipages. Plus de cinq cents vaisseaux avaient deja subi
cette violence, et c'etait l'objet de vives et jusqu'alors inutiles
reclamations de la part du gouvernement americain. Ce n'est pas tout
encore: a la faveur de la neutralite, les Americains, les Danois, les
Suedois, frequentaient nos ports, y apportaient des secours en grains que
la disette rendait extremement precieux, beaucoup d'objets necessaires a la
marine, et emportaient en retour les vins et les autres produits que le sol
de la France fournit au monde. Grace a cet intermediaire des neutres, le
commerce n'etait pas entierement interrompu, et on avait pourvu aux besoins
les plus indispensables de la consommation. L'Angleterre, considerant la
France comme une place assiegee qu'il fallait affamer et reduire au
desespoir, voulait porter atteinte a ces droits des neutres, et venait
d'adresser aux cours du Nord des notes pleines de sophismes, pour obtenir
une derogation au droit des gens.
Pendant que l'Angleterre employait ces moyens de toute espece, elle avait
toujours quarante mille hommes dans les Pays-Bas, sous les ordres du duc
d'York; lord Moira, qui n'avait pu arriver a temps vers Granville,
mouillait a Jersey avec son escadre et dix mille hommes de debarquement;
enfin la tresorerie anglaise tenait des fonds a la disposition de toutes
les puissances belligerantes.
Sur le continent, le zele n'etait pas aussi grand. Les puissances qui
n'avaient pas a la guerre le meme interet que l'Angleterre, et qui ne la
faisaient que pour de pretendus principes, n'y mettaient ni la meme ardeur,
ni la meme activite. L'Angleterre s'efforcait de les ranimer toutes. Elle
tenait toujours la Hollande sous son joug au moyen du prince d'Orange, et
l'obligeait a fournir son contingent dans l'armee coalisee du N
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