yles, soupant avec ses
compagnons d'armes au moment d'executer le dessein le plus heroique que la
vertu humaine ait jamais concu, les invite pour le lendemain a un autre
banquet pour une vie nouvelle.... Caton ne balanca point entre Epicure et
Zenon. Brutus et les illustres conjures qui partagerent ses perils et sa
gloire appartenaient aussi a cette secte sublime des stoiciens, qui eut des
idees si hautes de la dignite de l'homme, qui poussa si loin l'enthousiasme
de la vertu, et qui n'outra que l'heroisme. Le stoicisme enfanta des emules
de Brutus et de Caton jusque dans les siecles affreux qui suivirent la
perte de la liberte romaine; le stoicisme sauva l'honneur de la nature
humaine, degradee par les vices des successeurs de Cesar, et surtout par la
patience des peuples."
Au sujet de l'atheisme, Robespierre s'explique d'une maniere singuliere sur
les encyclopedistes. "Cette secte, dit-il, en matiere de politique, resta
toujours au-dessous des droits du peuple; en matiere de morale elle alla
beaucoup au-dela de la destruction des prejuges religieux: ses coryphees
declamaient quelquefois contre le despotisme, et ils etaient pensionnes par
les despotes; ils faisaient tantot des livres contre la cour, et tantot des
dedicaces aux rois, des discours pour les courtisans, et des madrigaux pour
les courtisanes; ils etaient fiers dans leurs ecrits et rampans[1] dans les
antichambres. Cette secte propagea avec beaucoup de zele l'opinion du
materialisme, qui prevalut parmi les grands et parmi les beaux esprits; on
lui doit en partie cette espece de philosophie pratique qui, reduisant
l'egoisme en systeme, regarde la societe humaine comme une guerre de ruse,
le succes comme la regle du juste et de l'injuste, la probite comme une
affaire de gout ou de bienseance, le monde comme le patrimoine des fripons
adroits....
"Parmi ceux qui au temps dont je parle se signalerent dans la carriere des
lettres et de la philosophie, un homme par l'elevation de son ame et la
grandeur de son caractere, se montra digne du ministere de precepteur du
genre humain: il attaqua la tyrannie avec franchise; il parla avec
enthousiasme de la Divinite; son eloquence male et probe peignit en traits
de feu les charmes de la vertu; elle defendit ces dogmes consolateurs que
la raison donne pour appui au coeur humain. La purete de sa doctrine,
puisee dans la nature et dans la haine profonde du vice, autant que son
mepris invincible pour les sophistes intrigans[
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