e pour imiter ce Rousseau, dont il
professait les opinions, et du style duquel il faisait une etude
continuelle. Le talent de Robespierre s'etait singulierement developpe dans
les longues luttes de la revolution. Cet etre froid et pesant commencait a
bien improviser; et quand il ecrivait, c'etait avec purete, eclat et force.
On retrouvait dans son style quelque chose de l'humeur apre et sombre de
Rousseau, mais il n'avait pu se donner ni les grandes pensees, ni l'ame
genereuse et passionnee de l'auteur d'_Emile_.
Il partit a la tribune le 18 floreal (7 mai 1794), avec un discours
soigneusement travaille. Une attention profonde lui fut accordee.
"Citoyens, dit-il en debutant, c'est dans la prosperite que les peuples,
ainsi que les particuliers, doivent pour ainsi dire se recueillir, pour
ecouter dans le silence des passions la voix de la sagesse." Alors il
developpe longuement le systeme adopte. La republique, suivant lui, c'est
la vertu; et tous les adversaires qu'elle avait rencontres ne sont que les
vices de tous genres souleves contre elle, et soudoyes par les rois. Les
anarchistes, les corrompus, les athees, n'ont ete que les agens[1] de Pitt.
"Les tyrans, ajoute-t-il, satisfaits de l'audace de leurs emissaires,
s'etaient empresses d'etaler aux yeux de leurs sujets les extravagances
qu'ils avaient achetees; et, feignant de croire que c'etait la le peuple
francais, ils semblaient leur dire: Que gagnerez-vous a secouer notre joug?
_Vous le voyez, les republicains ne valent pas mieux que nous!_" Brissot,
Danton, Hebert, figurent alternativement dans le discours de Robespierre;
et, pendant qu'il se livre contre ces pretendus ennemis de la vertu aux
declamations de la haine, declamations deja fort usees, il excite peu
d'enthousiasme. Mais bientot il abandonne cette partie du sujet, et s'eleve
a des idees vraiment grandes et morales, exprimees avec talent. Il obtient
alors des acclamations universelles. Il observe avec raison que ce n'est
pas comme auteurs de systemes que les representans[1] de la nation doivent
poursuivre l'atheisme et proclamer le deisme, mais comme des legislateurs,
cherchant quels sont les principes les plus convenables a l'homme reuni en
societe. "Que vous importent a vous, legislateurs, s'ecrie-t-il, que vous
importent les hypotheses diverses par lesquelles certains philosophes
expliquent les phenomenes de la nature? Vous pouvez abandonner tous ces
objets a leurs disputes eternelles; ce n'est ni comm
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