ils de Dieu est devenu le Fils
de l'homme, et qu'une seule personne subsiste par et dans les deux
natures. C'est lui qui apres avoir souffert toutes les conditions
attachees a son humanite et la mort meme, est ressuscite, est monte au
ciel, et viendra juger les vivants et les morts. J'affirme que tous les
peches sont remis par le bapteme; que nous avons besoin de la grace
pour commencer et accomplir le bien, et que ceux qui ont failli sont
regeneres par la penitence. Quant a la resurrection de la chair,
pourquoi en parlerais-je, puisque vainement je me glorifierais d'etre
chretien, si je ne croyais que je dois ressusciter un jour?
[Note 304: "Amplector eum ulnis fidei in carne virginali de
Paracleto sumpta gloriosa divinitus operantem." Maniere un peu
recherchee, mais exacte, d'exprimer que le Fils de l'homme a ete concu
dans le sein d'une vierge par l'operation du Saint-Esprit.]
Telle est donc la foi dans laquelle je me repose. C'est d'elle que je
tire la fermete de mon esperance. Fort de cet appui salutaire, je ne
crains pas les aboiements de Scylla, Je ris du gouffre de Charybde, je
n'ai pas peur des chants mortels des sirenes. Si la tempete vient, elle
ne me renverse pas; si les vents soufflent, ils ne m'agitent pas; car je
suis fonde sur la pierre inebranlable[305]."
[Note 305: _Ab. Op._, pars II, p. 308.]
Cette declaration est chretienne. Elle contient l'expression d'une foi
correcte sur les principaux articles touchant lesquels on accusait
Abelard d'heresie. Cependant elle ne retracte pour le fond aucune des
opinions qu'il a soutenues dans ses livres, au sens du moins ou il les
a soutenues. I1 n'est ni le premier ni le seul qui, pour rester dans
l'unite, ait profite d'une communaute de langage entre ses adversaires
et lui, sans tenir compte des idees diverses que des esprits differents
attachent aux memes mots. Peut-etre si l'on obligeait tous les chretiens
a donner individuellement le sens precis et sincere qu'ils attribuent
chacun aux expressions consacrees du dogme, verrait-on dans l'unite
perpetuelle du catholicisme surgir les dissidences et les variations, et
l'heresie des coeurs trahir l'orthodoxie des paroles.
Ainsi Abelard parlait a Heloise. Ainsi il essayait d'offrir aux
catholiques, sans engagement ni passion, les moyens de s'interesser a
lui et de le prendre sous leur garde. En meme temps, il composait une
apologie plus developpee, ou il se defendait en discutant et refutait
ses adversaires.
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