'on ne
refusat a la scolastique le rang d'une philosophie. On a dit, en effet,
et repete que la scolastique etait une vaine science, une science
verbale; que tous ses efforts avaient abouti a des controverses sans fin
et sans valeur sur des questions de mots et non sur des questions
de choses. La langue qu'elle parlait, avec ses difficultes et ses
bizarreries repoussantes aujourd'hui pour notre intelligence et notre
gout, a paru temoigner elle-meme contre les idees qu'elle exprimait. On
n'a pas manque, de les juger dignes d'un temps de tenebres, puisqu'elles
etaient enoncees dans un idiome barbare, et cette fois trop _barbare_
pour meriter d'etre _compris_. Et comme le jour ou cette langue a peri,
pour faire place a une diction plus pure et plus elegante, la science
qu'elle exprimait a peri comme elle, on en a conclu naturellement que la
science etait la langue elle-meme, et qu'il ne restait rien a apprendre
de ce qui ne se disait plus.
Mais, sans disculper tout a fait la scolastique de l'accusation d'avoir
trop souvent consume ses forces sur de simples questions de mots, sur
des problemes qui se seraient evanouis si l'on en eut seulement change
l'expression, nous nous permettrons de remarquer que cette accusation,
vaguement concue, pourrait etre generalisee au point de n'etre plus
aussi accablante pour la doctrine a laquelle on l'adresserait. Il est
dans la condition de la philosophie et peut-etre de toute science
humaine d'etre, sous un certain point de vue, une science de mots; et il
faut prendre garde que cette qualification lancee au hasard contre un
systeme, oeuvre de l'esprit humain, ne retombe sur l'esprit humain
lui-meme; ce qui serait l'accuser puerilement d'etre ce qu'il est et de
faire comme il fait; ce qui serait lui reprocher sa nature.
Il est trop evident que lorsque l'homme parle il pense, et que, par
ses expressions, on juge de ses pensees. Puis, ses pensees exprimees
correspondent ou sont donnees pour correspondantes a des choses. Ces
choses existent ou n'existent pas, et elles sont ou ne sont pas comme il
les exprime. Ainsi les mots sont les pensees, et les pensees sont ou
ne sont pas les choses. On peut donc juger des choses par les pensees,
comme des pensees par les mots; et si les mots ne faisaient que rendre
des pensees qui ne correspondissent a aucune chose existante, ce
qui semble le cas d'une veritable science de mots, cette science
enseignerait cependant plus que des mots; car elle ferait c
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