onnaitre du
moins l'esprit humain dans sa nature ou dans son histoire. Fausse
comme expression des faits, elle ne serait pas entierement vaine comme
temoignage des idees, et il est utile de savoir jusqu'aux mensonges de
l'esprit humain; il y a quelque chose a apprendre meme dans une science
fausse. C'est connaitre encore que connaitre ce qui n'est pas, pourvu
qu'on sache que ce n'est pas, et celui-la ne serait point un ignorant,
qui saurait bien quelles choses ne sont pas, et tout ce que les choses
ne sont pas. Au moins saurait-il que les choses sont, et meme, a
quelques egards, il saurait ce qu'elles sont.
Cela est vrai de toute science, meme d'une physique fausse, meme d'une
astronomie fausse. Le jour ou le systeme de Ptolemee a ete renverse, on
aurait pu le condamner aussi a titre de science de mots; car il n'etait
plus que cela. Les choses s'en etaient comme retirees, pour aller
ailleurs et prendre d'autres formes. Qui pourrait dire cependant que
jusque-la il eut ete indifferent de le connaitre, ou meme que depuis
lors il n'y eut rien a gagner a le connaitre, et qu'il ne fut pas utile
de comprendre ses fictions, afin de bien entendre pourquoi et comment
elles sont des fictions, comment et pourquoi le systeme de Copernic est
vrai?
Mais ce que nous osons dire de toute science, nous l'affirmons avec bien
plus de certitude de la philosophie. Celle-ci traite en effet d'objets
qui, reels ou imaginaires, sont par eux-memes invisibles pour la plupart
et n'ont de sensible que les mots qui les rendent. Je ne parle pas
seulement des generalites contestees et douteuses, creations de l'art
philosophique; je parle d'abord de ce qui n'est pas une invention
systematique, une arbitraire abstraction, comme le mot meme de
_generalite_, comme celui d'abstraction, ceux de notion, d'idee et de
jugement; je parle de tout ce que l'esprit croit reel ou conclut comme
reel des perceptions actuelles et particulieres de nos facultes; je
parle de Dieu que nous concluons de tout ce que nous sommes et de
tout ce que nous voyons; je parle de l'ame dont le nom est celui d'un
invisible, que l'on affirme, que l'on suppose ou que l'on nie; je parle
des facultes, qui ne sont pas assurement des substances individuelles,
ni des choses que nous connaitrions aussi distinctement si elles
n'avaient un nom; je parle des forces que nous apercevons par la pensee
a travers les mouvements de la nature et de la vie; je parle enfin de
tout ce que je viens de nom
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