sous une forme communicable
aux intelligences qui lui ressemblent. Lorsqu'on veut traduire ces
connaissances pratiques et confuses en science, c'est-a-dire connaitre
avec methode, quel point de vue faut-il choisir? ou se placer pour mieux
voir? par ou commencer? Evidemment par cette unite meme a laquelle se
communique la realite, et qui la communique a son tour, telle qu'elle
l'a concue, apres l'avoir recue. L'homme est constitue pour absorber
d'abord et renvoyer ensuite la lumiere qui l'environne. S'il s'etudie
avec exactitude et profondeur, s'il recherche ce qu'il pense, non pour
etablir la genealogie arbitraire de ses idees, mais pour se bien rendre
compte de tout ce qui est contenu dans ses notions acquises, dans ses
notions primitives, des convictions qui dominent dans son esprit, comme
des operations a l'aide desquelles elles se forment et se manifestent,
il parviendra surement a mieux connaitre ce qui est, en connaissant
mieux ce qu'il en pense et ce qu'il en dit. La puissance qui lui donne
la realite, qui la percoit et la concoit, puis qui porte dans tout ce
qu'il sait et tout ce qu'il pense l'ordre, la clarte, la fixite par la
parole, cette puissance, c'est lui-meme; et, en s'etudiant bien, en
scrutant tout ce mystere de sa nature interieure sans perdre de vue le
dehors de qui il recoit et auquel il rend, il remonte a la source de
la science, et prend le seul moyen de la faire complete, universelle,
adequate a la verite, dans la mesure cependant ou ces epithetes sont
applicables a la connaissance humaine. Ce point de vue est le point de
vue psychologique, qui ne differe du point de vue ideologique qu'en ce
qu'il est moins partiel et moins etroit. Pour celui qui ne s'arrete pas
a l'ideologie superficielle, qui la pousse a sa profondeur derniere, la
science de la realite et celle du langage reparaissent a la lueur meme
du flambeau interieur, et la philosophie retrouve au fond de l'esprit
humain le vrai jour qui eclaire le monde.
Quoi qu'il en soit, on a vu qu'on ne pouvait _a priori_ accuser une
science d'etre, au mauvais sens de l'expression, une science de mots.
L'esprit considere toujours plus ou moins les choses, les idees, les
mots. S'il tend a ne considerer que les choses, il ne se connait pas
bien lui-meme. S'il n'est attentif qu'aux idees, il perd le sentiment
des choses; et ce qu'il accepte pour des idees n'est bientot plus que
des mots. S'il s'occupe des mots plus que de tout le reste, il prend
a la lo
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