ne
saurait demeurer douteux, c'est que de l'application reelle ou fictive
du principe ontologique a ces etres dialectiques, il est provenu de
graves consequences logiques, puis des difficultes, des ambiguites
innombrables, et surtout ce caractere equivoque d'une science qui semble
tour a tour tomber dans l'extreme ontologie ou dans l'extreme ideologie,
puisqu'elle parle souvent des etres de raison comme s'ils existaient, et
des realites comme si elles n'existaient pas.
Si l'on s'adressait a Aristote, la question semblerait mieux resolue.
Nous l'avons vu donner l'etre en soi aux categories; mais il entendait
par la qu'elles etaient des manieres d'etre essentielles, en ce sens
qu'elles etaient necessaires, necessaires en ce qu'elles n'etaient pas
de simples accidents. Car il dit formellement: "Rien de ce qui se
trouve universellement dans les etres n'est une substance, et aucun des
attributs generaux ne marque l'existence, mais ils designent le mode de
l'existence[411]." Pour Aristote, la qualite est bien un etre, mais non
pas absolument. Il s'ensuit que si l'on peut dire qu'elle est, qu'elle
est quelque chose, et faire d'une categorie quelconque un sujet de
definition, c'est par extension, par analogie; c'est, non pas que les
attributs generaux sont vraiment des etres, c'est qu'_il y a de l'etre_
en eux; et que, bien qu'il n'y ait proprement essence que pour la
substance, il y a quasi-essence pour ce qui n'est pas substance. Pour
les choses non substances, il y a essence ou forme essentielle, mais non
pas dans le sens absolu, ni au meme titre que pour la substance. S'il y
a forme de la qualite, forme de la quantite, ce n'est pas forme au
sens rigoureux du mot. Si l'on peut en donner definition, ce n'est pas
definition premiere ou proprement dite, la definition veritable etant
l'expression de l'essence et l'essence ne se trouvant que dans les
substances[412]. Ces distinctions sont exactement specifiees dans
Aristote. La scolastique, sans les ignorer tout a fait, les neglige
presque toujours, surtout avant le temps ou elle eut connaissance de la
Metaphysique[413].
[Note 411: _Metaph. d'Aristote_, trad., VII, XIII, t. II, p. 50.
Lisez le chapitre entier.]
[Note 412: _Metaph. d'Arist._, l. VII, c. IV et V, p. 11, 12, 13, et
16 du t. II de la traduction.]
[Note 413: Ce fut au commencement du XIIIe siecle que l'on
commenca, selon Rigord, a lire dans les ecoles de Paris la Metaphysique
d'Aristote, nouvellement apportee
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