x luttes de l'ecole; il veut
suppleer par la composition a l'enseignement oral, qu'on lui defend. On
a donc pu croire qu'il ecrivait au couvent de Saint-Denis, soit apres la
decision du concile de Soissons, soit dans le fort de ses demeles avec
son abbe. Le frere Dagobert, a qui il s'adresse, serait alors un de ces
moines dont il avait commence, a Maisoncelle, l'education philosophique
et qui tenaient secretement pour lui.
Peut-etre aussi ecrivait-il dans une de ces periodes de demi-persecution
ou, suspect et contraint, irrite et intimide, il se croyait reduit au
silence; par exemple, vers la fin de ses lecons au Paraclet, ou lorsqu'a
Saint-Gildas il s'etait fait abbe, ne pouvant plus etre professeur.
Enfin, nous admettrions, avec M. Cousin, qu'il a pu faire ou plutot
refaire sa Dialectique dons sa retraite de Cluni. On sait qu'il y
ecrivait sans cesse, et, dans l'ouvrage, il parle des controverses
speculatives comme de choses bien eloignees, et des lecons de Roscelin
et de Guillaume de Champeaux comme de souvenirs deja bien vieux. De
plus, il parait eviter les hardiesses qui touchent le dogme, il combat
meme une opinion sur le Saint-Esprit qu'il avait soutenue dans sa
Theologie[461]; enfin il veille a se montrer orthodoxe, bien qu'on ait
pu juger tout a l'heure du progres reel que l'esprit d'humilite et de
penitence avait fait en lui. Ce moine faible et souffrant, qu'on croyait
soumis, se plaint de l'envie qui l'a condamne pour toujours au silence,
et en appelle a l'avenir, qui rendra l'honneur a sa memoire et a la
science la liberte.
[Note 461: _Dialec._, p. 475.]
Dans cette hypothese, le frere Dagobert serait un moine de Cluni, son
confident, a moins que ce ne fut son propre frere, comme l'indiquerait
la tendresse avec laquelle il parle de lui et de ses neveux[462]. La
seule difficulte, c'est que les ouvrages theologiques contiennent des
allusions et des renvois a la Dialectique, et dans celle-ci les passages
correspondants se retrouvent[463]. Mais repetons que ce peut etre un
compose de traites d'epoques differentes, et, dans les dernieres annees
de sa vie, Abelard peut avoir revu et rassemble en corps d'ouvrage toute
sa philosophie. Cette redaction achevee et arretee a Cluni serait notre
Dialectique.
[Note 462: C'est l'opinion de M. Cousin, qui pense qu'Abelard
redigea sa Dialectique pour l'instruction de ses neveux, "nepotum
disciplinae desiderium." On peut croire aussi que _ces neveux_ sont
la posterit
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