choses ayant leurs temps,
c'est-a-dire, leurs heures, jours, mois, etc., de duree, tous ces temps
reunis forment un seul jour, un seul mois, etc., enfin un seul temps.
Le temps est un tout qui differe de tous les autres. Dans ceux-ci, posez
le tout, vous posez la partie, et la destruction de la partie detruit
en partie le tout; mais vous pouvez detruire le tout sans detruire
la partie, et en posant la partie, vous ne posez pas le tout. C'est
l'inverse pour le temps. Ainsi, s'il y a maison il y a muraille, sans
conversion, c'est-a-dire, sans reciprocite; car on ne peut dire s'il y
a muraille, il y a maison. Au contraire, s'il y a la premiere heure du
jour, il y a jour, et la proposition inverse n'est pas vraie. Abelard
accepte ces distinctions, qui sont de tradition; toutefois il observe
que sous le nom de jour on entend douze heures prises ensemble, et dont
aucune ne peut exister, si une seule n'existe pas. On en conclut que
cette proposition: _Le jour existe_, ne peut jamais etre vraie, les
douze heures ne pouvant jamais exister ensemble; cela est exact; mais
parlant figurativement, nous disons, comme le jour existe par partie,
qu'une partie est une partie du jour. Proprement, on ne peut appeler
un tout, ce dont il n'existe jamais qu'une partie; mais souvent nous
prenons comme un entier ce qui n'en est pas un veritablement, et nous
adaptons des noms a des choses comme si elles existaient, quand nous
voulons en faire comprendre quoi que ce soit. Tels sont les noms de
passe et de futur, que nous employons, lorsque nous voulons en donner
quelque idee ou mesurer quelque chose par leur moyen, quoiqu'ils ne
soient pas meme des temps. Car ils ne sont point des quantites, n'etant
dans aucun sujet, et ils ne sont dans aucun sujet, puisqu'ils ne sont
pas. "Le temps qui fut ou qui n'est pas encore ne devrait pas plus etre
appele temps que le cadavre humain ne doit etre appele homme." Seulement
une chose passee a precede la presente, comme la presente precede la
chose a venir. Des temps de chaque chose nous composons le temps, et le
temps present est le terme commun du passe et de l'avenir.
Le nombre a pour origine l'unite, il est une collection d'unites. Deux
unites font le binaire, trois le ternaire, etc. Tous ces nombres,
suivant Guillaume de Champeaux, n'etaient pas des especes du nombre,
n'avaient pas le nombre pour genre, puisqu'un nombre ne pouvait etre une
chose une, une essence. Un habitant de Rome et un habitant d'Ant
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