, qu'ils tiennent
l'etre[473].
[Note 473: _Dial._, pars I, p. 199.]
Cette observation est importante, mais Abelard ne la pousse pas plus
loin. Elle le met cependant sur la voie de la distinction a faire entre
la dialectique et l'ontologie, qu'il appelle la logique et la physique,
c'est-a-dire entre la science des conceptions de l'etre et celle de
la nature des etres. L'une est au vrai sens du mot une ideologie, et,
jusqu'a un certain point, une hypothese; l'autre est la connaissance de
la realite, ou cet empirisme transcendant qui donne les choses et
non des abstractions. Cette distinction est souvent entrevue par les
scolastiques; ils y font, en passant, allusion; et s'ils n'insistent
pas, peut-etre pensaient-ils qu'elle allait sans dire. Mais plus souvent
encore ils ont l'air de l'oublier ou de la meconnaitre; et prenant au
serieux toute leur geometrie intellectuelle, toute cette science de
convention, ils semblent mettre une ontologie factice a la place de la
veritable, realiser les abstractions, materialiser les etres de raison
et faire vivre l'esprit dans un monde compose d'apparences et peuple de
fantomes. C'est cette ontologie qui a decrie la scolastique et compromis
le nom meme d'ontologie, au point que dans un grand nombre d'esprits
cette science est devenue le synonyme de l'hypothese et de la chimere.
Abelard, quoiqu'il passe en revue les dix categories, n'epuise pas la
matiere. Il donne pour raison que l'autorite n'a laisse de la plupart
des predicaments qu'une enumeration. Aristote, en effet, ne parle avec
detail que des quatre premiers. "Aristote," ajoute-t-il, "au temoignage
de Boece, a traite avec plus de profondeur et de subtilite des
predicaments _ubi_ et _quando_ dans ses _Physiques_, et de tous dans
ceux de ses livres qu'il appelle _les Metaphysiques_. Mais ces ouvrages,
aucun traducteur ne les a encore appropries a la langue latine, et voila
pourquoi la nature de ces choses nous est moins connue[474]."
[Note 474: _Dial._, p. 200. La Physique et la Metaphysique n'etaient
donc pas traduites ni etudiees. Les manuscrits grecs, dont on pouvait
connaitre l'existence, etaient comme non avenus. Boece nomme ces
ouvrages dans son commentaire sur les categories (p. 190), mais il cite
aussi au meme endroit le traite d'Aristote sur la generation et la
corruption, et comme il en cite le titre en grec, Abelard l'omet.]
On voit ce qu'etait des lors Aristote. La science se mesurait a la
portion connue de se
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