Les
scolastiques ont amplement disserte sur la substance, et au milieu de
beaucoup de subtilites, d'equivoques, d'erreurs, ils ont vu ou du moins
entrevu tout; sons le voile de leur diction, les questions se retrouvent
a la meme profondeur ou le genie moderne a pu penetrer. Mais il n'en
est pas de meme de la cause. Cette notion a ete a peu pres meconnue, et
constamment negligee jusqu'a la renaissance de la philosophie, et je ne
crois meme pas qu'avant Leibnitz on lui ait assigne son veritable rang.
Lorsque dans l'enumeration des lieux dialectiques, Abelard rencontrera
la substance et la cause, notre attention devra donc s'eveiller, et nous
nous arreterons a cette page.
La substance, consideree au point de vue des topiques, ou le lieu de la
substance, c'est la recherche de la maniere dont la substance doit etre
etablie (elle l'est par la description on la definition), et dont peut
etre attaquee la definition ou la description qui l'etablit. Aussi
Aristote n'a-t-il pas distingue un lieu de la substance, lui qui a
distingue un lieu de l'accident, du genre, du propre, etc.; mais il
a amplement traite des lieux des definitions, et c'est la qu'il faut
chercher l'equivalent de ce qu'Abelard a, d'apres Themiste et Boece,
nomme le lieu de la substance, _locus a substantia_[493]. Il n'y a
dans tout cela que des regles pratiques de dialectique; mais c'est en
developpant complaisamment ces regles, qu'Abelard, selon son usage,
vient a rencontrer des difficultes de logique qui le forcent a regarder
au fond d'une question, et a rentrer par une digression dans la sphere
de la philosophie reelle. C'est ainsi qu'en donnant les regles de
l'opposition, il rencontre les contraires, et qu'il est conduit a se
demander quelle sorte d'opposition est la contrariete, et voici comment
cet examen le mene sur le terrain de la question des universaux.
[Note 493: _Dial._, p. 368--Boeth., _de Different. topic._, t. III,
p. 876.]
Il rappelle que tous les contraires, suivant Aristote, sont dans les
memes genres ou dans des genres contraires, a moins qu'ils ne soient
genres eux-memes. Ainsi le noir et le blanc sont dans le meme genre, la
couleur; la justice et l'injustice sont de deux genres contraires, la
vertu et le vice; enfin le bien et le mal sont eux-memes des genres.
Sur ce dernier exemple, il faut remarquer que le bien et le mal
appartiennent au meme predicament, la qualite, et l'on peut generaliser
cette remarque en disant que les contraire
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