fameuses dont le bruit retentit
dans l'histoire, roulaient sur des questions de dialectique ou de
metaphysique, et non sur la science directe de l'esprit humain. Aussi
trouvions-nous a peine dans les ouvrages deja imprimes d'Abelard
quelques vues isolees sur les facultes de l'homme, et ne pouvions-nous
obtenir que par des inductions conjecturales et vagues une idee de sa
psychologie, jusqu'au jour ou parut un petit traite qu'il nous reste a
faire connaitre.
Le titre seul est singulier, _Tractalus de Intellectibus_[555]. Il ne
serait pas aise de le traduire du premier mot; car bien que l'ouvrage
roule sur l'intelligence humaine, cette expression _de intellectibus_
designe plutot certains produits ou certaines operations de
l'intelligence que la faculte qui les realise. M. Cousin a raison
d'appeler l'ouvrage _un recueil de remarques sur l'entendement_; mais il
s'y agit surtout de ces actes de l'entendement designes sous le nom de
concepts, et qu'on n'eut pas, il y a un demi-siecle, hesite a nommer des
idees. Nous n'intitulerons pourtant pas l'ouvrage _Traite des idees_; ce
titre est trop moderne; on comprendra mieux notre scrupule, lorsqu'on
aura lu les premiers mots de l'ouvrage. Ils seront le meilleur preambule
de notre analyse.
[Note 555: _P. Abaelardi tractalus de Intellectibus_; c'est le titre
du manuscrit qui provient de la bibliotheque du Mont-Saint-Michel. M.
Cousin l'a publie dans la 4'e edition de ses _Frag. phil_., t. III,
Append., XI, p. 448 et suiv.]
"Voulant traiter des speculations, c'est-a-dire des concepts, nous
nous proposons, pour en faire une etude plus exacte, d'abord de les
distinguer des autres passions ou affections de l'ame, de celles du
moins qui paraissent le plus se rapprocher de leur nature; puis de les
distinguer les uns des autres par leurs differences propres, autant que
nous le jugerons necessaire pour la science du discours.
"Il y a cinq choses dont il convient de les isoler soigneusement: le
sens, l'imagination, l'estimation, la science, la raison[556].
[Note 556: "Sensus, Imaginatio, existimatio, scientia, ratio." Cette
distribution des principales facultes de l'esprit humain ne se trouve
nulle part enoncee en termes expres dans Boece; du moins je ne l'y
ai pas decouverte. Il est impossible cependant d'en rapporter tout
l'honneur a Abelard, d'autant que c'est a peu pres la division de l'ame
que l'on trouve exposee d'une maniere si remarquable dans le l. III du
_de Anima_ d'Ar
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