non _celui-la qui court_, et l'on
ne peut dire que ce concept ne se rapporte a rien de reel. Quant a _la
chimere_, elle n'est pas reelle, et elle est concue comme n'etant pas
reelle. Ce qui n'empeche pas de concevoir que, si elle etait reelle et
qu'elle fut blanche, elle serait blanche; et dans ce cas, il y
aurait lieu a cette proposition, _elle est blanche_. Quant au
_non-intelligible_, c'est un attribut general qui, en tant que general,
peut etre concu, quoique une chose particuliere non-intelligible fut
precisement ce qui ne peut etre concu. Autre est de concevoir qu'une
chose est inconcevable, autre de concevoir une chose inconcevable. Ainsi
les exemples cites ne prouvent pas que certains mots, designant des
idees qui ne representent rien de sensible ou de determine, ne soient
que des mots, et ne signifient ni choses ni idees, c'est-a-dire ne
signifient rien. Ils ne prouvent pas davantage que, pour ne representer
directement rien de determine ni de sensible, des idees soient vaines et
fausses, et par consequent, on ne peut conclure des exemples cites, a
la vanite, a la faussete, a la nullite des conceptions generales
quelconques.
Nous avons evidemment ici l'argumentation et la refutation du
nominalisme. Abelard ne le dit pas en termes expres, mais il le fait
comprendre, et en posant les exemples ci-dessus comme des difficultes,
il nous fait connaitre, sans aucun doute, quelques-unes des objections
de Roscelin ou de ses partisans. Nous apprenons ainsi a quel point
le nominalisme differait du conceptualisme. Le premier ne niait pas
seulement les essences generales, mais les conceptions generales et
abstraites; il ne laissait aux genres, aux especes, aux etres de raison,
pas meme une place dans l'esprit. Il etait absolu. Cela nous explique
comment le conceptualisme, qu'on est souvent porte a confondre avec le
nominalisme, s'elevait alors a l'importance d'une doctrine positive,
distincte, determinee. C'etait un intermediaire reel entre le realisme
et le nominalisme. Le premier disait que les universaux etaient
non-seulement des idees et des mots, mais des realites; le
conceptualisme, qu'ils n'etaient pas des realites, mais des idees et des
mots; le nominalisme, qu'ils n'etaient ni des realites, ni des idees,
mais des noms. Le fond du nominalisme etait donc que nous n'avons
d'idees que des objets sensibles. La psychologie se reduisait donc a
la sensation et a la memoire, pour toutes facultes fondamentales.
L'intelligen
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