ntiel. Dans les deux cas, le concept qui abstrait ou
soustrait, donne la chose autrement qu'elle n'est, puisque la chose qui
n'existe que reunie y est concue separement."
Or comme personne, en voulant penser une chose, n'est capable de la
penser dans toutes ses essences ou proprietes, mais seulement en
quelques-unes d'entre elles, l'esprit est force de concevoir la chose
autrement qu'elle n'est. Ainsi _ce corps_ est _corps, homme, blanc,
chaud_, et mille autres choses. Cependant, considere en tant que corps,
il est concu separement de toutes ces choses, c'est-a-dire autre qu'il
n'est en effet. Le concept de corps, independamment de toute forme ou
qualite, est celui d'une nature quelconque prise comme universelle,
c'est-a-dire indifferemment ou sans application a aucun individu. Or
ce corps pur n'existe nulle part ainsi; rien dans la nature n'existe
indifferemment, d'une maniere indeterminee. Toute chose est
individuellement distincte, une numeriquement. La substance corporelle
dans ce corps, qu'est-elle autre chose que ce corps lui-meme? La nature
humaine dans cet homme, dans Socrate, qu'est-elle autre chose que
Socrate meme?
Quant aux choses absentes, insensibles, incorporelles, qui peut les
connaitre comme elles sont? Qui ne les concoit autrement qu'elles ne
sont? Representez-vous, quand elle est absente, la chose que vous avez
vue; plus tard, vous la trouverez tout autre sous plus d'un rapport que
vous ne vous l'etes representee. Qui ne concoit les choses incorporelles
a l'image des corporelles, et qui, pensant a Dieu ou a l'esprit,
n'imagine pas l'un ou l'autre avec quelque forme, ou quelque habitude
corporelle, quoique Dieu ni l'esprit n'en ait aucune? Qui ne concoit les
esprits comme circonscrits localement, composes, colores, investis
de modes propres aux corps, et cela, parce que toute la connaissance
humaine vient des sens?
Or, si l'experience des sens nous pousse a figurer ainsi nos idees, et
si tout concept d'une chose dans un autre etat que son etat reel, doit
etre tenu pour vain et mauvais, quelle conception humaine ne doit pas
etre condamnee?
Passons a l'autre partie de la question. Tout concept qui donne la
chose comme elle est, doit-il etre tenu pour bon? cela ne parait pas
contestable. Cependant, concevoir qu'_un homme est un ane_, n'est pas un
concept faux, si l'on entend, par exemple, que l'_homme est un animal_
comme l'ane. Qu'est-ce donc que ce concept faux, qui donne la chose
comme elle es
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