desire
une cape, et quiconque desire une cape desire celle-ci ou celle-la_,
l'argumentation serait juste et la conclusion legitime. De meme, on peut
dire: _Si j'ai la sensation d'un homme, tout homme etant tel ou tel
homme, j'ai la sensation de tel ou tel homme_; mais il ne s'ensuit
nullement ce qu'on en veut conclure. Qu'il soit de la nature du sens
de ne pouvoir s'exercer que sur une chose existante determinee, qu'en
consequence la sensation d'homme ne puisse etre que la sensation causee
par cet homme-ci ou cet homme-la, accordez-le; mais l'entendement n'a
pas, comme le sens, besoin pour agir d'une chose reelle, puisqu'il
s'applique aux choses passees, futures, qui n'ont jamais ete, qui ne
seront jamais. Pour penser a l'homme, pour avoir un concept dans lequel
entre l'idee de la nature humaine, il n'est donc pas necessaire d'avoir
present a l'esprit tel ou tel homme determine. La nature humaine peut
etre l'objet de concepts innombrables, comme ce concept simple du nom
special d'_homme_ ou de l'_homme_ pris comme espece, aussi bien que de
l'_homme blanc_, de l'_homme assis_, que sais-je? de l'_homme cornu_,
qui n'existe pas; en un mot, comme toutes les conceptions dans
lesquelles entre la nature humaine, soit avec la distinction d'une
personne determinee comme Socrate, soit indifferemment ou sans aucune
determination personnelle.
[Note 571: _Capa_, espece de capuchon, _bardocucullus_.]
Abelard enonce ici brievement certaines objections, mais a peine
indique-t-il a quoi elles tendent, et pourquoi il est interessant de les
lever. Sous leur forme technique, leur importance echappe, et le texte
de cet ouvrage ressemble a un sommaire de principes et d'arguments,
applicables a des controverses usuelles, a des questions connues, et que
devaient eclaircir ou developper, soit l'interpretation orale, soit
au moins l'intelligence du lecteur, deja familiarise avec ce dont il
s'agissait[572]. Essayons de suppleer a l'une et a l'autre.
[Note 572: _De Intel._, p. 487-492.]
Il s'agit de savoir ce que signifient les noms des universaux, ou quels
sont les objets des conceptions generales ou speciales. Abelard vient
de dire que ces noms designent des conceptions universelles, et que
celles-ci, pour etre valables et vraies, n'ont pas besoin de se
rapporter a des objets sensibles et determines, parce qu'elles
sont l'oeuvre de l'intelligence et non de la sensibilite. C'est
la sensibilite qui veut des objets certains, reels, individ
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