maison et le navire, et meme
cette combinaison n'est pas indifferente; il n'y en a qu'une qui
constitue le navire ou la maison.
Ces extraits nous ont fait sortir de la dialectique pour entrer dans
l'ontologie et meme dans la physique. Abelard ne se contente plus de
discuter logiquement des idees; il s'efforce de retracer la generation
des choses. Pour le fond; il emprunte encore a son maitre. Il suit la
Physique d'Aristote, qu'il ne connaissait pas, mais dont les principes
se trouvent rappeles ca et la dans la Logique et dans les commentaires
de Boece. Seulement, il porte dans son exposition une clarte et une
methode qui sont bien a lui, et c'est avec des citations eparses qu'il
a recompose le systeme. Ce qui donne a ces passages un interet
particulier, c'est qu'ils sont en contradiction avec les opinions
communement attribuees a notre auteur touchant les universaux. Il nous y
donne la generation reelle des genres et des especes. Ici point de trace
de conceptualisme, ni de nominalisme. Les genres et les especes ne sont
admis que pour les choses qui, ayant une substance naturelle, procedent
de l'operation divine: ainsi les animaux, les metaux, les arbres, et
non pas les armees, les tribunaux, les nobles, etc. La distinction des
genres et des especes repose ainsi sur des causes physiques. Elle est
produite par ce mouvement de la substance qui interrompt l'identite et
fait succeder une nature essentielle a une autre. Du genre a l'espece,
ce mouvement se resout dans la survenance de la difference; mais la
difference est substantielle, et dans toutes les transitions d'un degre
ontologique a un autre, c'est une forme substantielle qui survient et
qui agit comme cause alterante et productrice. Il me semble que nous
avons ici la physique des genres et des especes; c'est, je crois, la du
realisme. On pourrait dire que tout ce realisme provient d'une seule
idee qu'Abelard ajoute a la theorie de la cause et du mouvement, dont il
prend le fond dans Aristote: c'est l'idee de la creation.
CHAPITRE VI.
SUITE DE LA LOGIQUE D'ABELARD.--_Dialectica_, QUATRIEME ET CINQUIEME
PARTIES, OU LES SECONDS ANALYTIQUES ET LE LIVRE DE LA DIVISION ET DE LA
DEFINITION.
Nous avons dit qu'Abelard ne connaissait pas les Seconds Analytiques
d'Aristote. Lors donc que pour copier en tout son maitre, il a voulu
donner le meme titre a la quatrieme partie de sa Dialectique, il n'a
pu traiter le meme sujet, et au lieu d'ecrire sur la demonstration,
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