corps. Cependant il n'anime pas tout par elle, mais seulement les etres
qui ont une nature plus molle et ainsi plus accessible a l'_animation_;
car bien que cette meme ame soit a la fois dans la pierre et dans
l'animal, la durete de la premiere l'empeche d'exercer ses facultes, et
toute la vertu de l'ame est suspendue dans la pierre.
"Enfin, quelques catholiques, s'attachant trop a l'allegorie,
s'efforcent d'attribuer a Platon la foi de la sainte Trinite, grace
a cette doctrine ou ils voient le _Noy_ venir du Dieu supreme, qu'on
appelle _Tagaton_, comme le Fils engendre du Pere, et l'ame du monde,
proceder du _Noy_ comme du Fils le Saint-Esprit. Ce Saint-Esprit en
effet, qui, partout repandu tout entier, contient tout, verse aux coeurs
de quelques chretiens, par la grace qui y reside, ses dons qu'il est dit
vivifier en suscitant en eux les vertus[536]; mais dans quelques-uns,
ses dons semblent absents, il ne les trouve pas dignes qu'il habite
en eux, quoique sa presence ne leur manque pas, il ne leur manque que
l'exercice des vertus. Mais cette foi platonique est convaincue d'etre
erronee en ce que cette ame du monde, comme elle l'appelle, elle ne la
dit pas coeternelle a Dieu, mais originaire de Dieu a la maniere des
creatures. Or le Saint-Esprit est tellement essentiel a la perfection de
la Trinite divine, qu'aucun fidele n'hesite a le croire consubstantiel,
egal et coeternel tant au Pere qu'au Fils. Ainsi ce qui a paru a Platon
assure touchant l'ame du monde, ne peut en aucune maniere etre rapporte
a la teneur de la foi catholique[537]."
[Note 536: "Fidelium cordibus per inhabitantem gratiam sua largitur
charismata quae vivificare dicitur suscitando in eis virtutes."
(_Dial_., p. 475.) Cette generation de l'ame du monde emanee du _Noy_
(pour [Grec: nous], l'intelligence) est un dogme neo-platonique
qu'Abelard tenait de Macrobe plutot que du Timee. (_In Somn. Scip_., I,
ii. xiii, xiv, etc.)]
[Note 537: Abelard, comme on le verra plus bas, n'a pas toujours
repousse avec une aussi grande severite d'orthodoxie le dogme platonique
de l'ame du monde. Mais ce passage est un de ceux que l'on cite peur
prouver qu'il ecrivit sa Dialectique apres sa condamnation. Il est
tres-probable en effet qu'il aura insere a dessein dans ce passage la
retractation d'une opinion, qui, bien que tres-formellement exprimee
dans sa theologie, n'en fait point une partie essentielle; tandis qu'on
ne peut admettre qu'apres l'avoir positiveme
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