eure qu'il entend par _signifier_ produire une idee. C'est une
consequence que pour juger de la signification des mots, il faut moins
regarder aux mots qu'a l'intelligence de l'auditeur. Soit donc posee la
question: Un nom signifie-t-il tout ce qui est dans la chose a laquelle
le nom a ete impose, ou bien seulement ce que le mot meme denote et ce
qui est contenu dans l'idee qu'il exprime? Abelard se decide pour cette
derniere opinion, qui etait celle d'un certain Garmond[478] contre
Guillaume de Champeaux; le premier s'appuyant sur la raison, tandis que
le second semblait appuye par l'autorite. Ainsi l'on ne peut accorder au
dernier que le nom d'un genre signifie l'espece, quoique l'espece soit
dans le genre, ni que le nom abstrait designe le sujet de l'accident
qu'il exprime, quoique l'accident soit dans le sujet et n'en puisse etre
separe. Chacun de ces noms ne signifie que l'idee qu'il excite dans
l'esprit; ainsi quoique les hommes soient des animaux, le nom d'animal
ne signifie point homme, parce qu'il ne produit pas l'idee d'homme.
Encore moins de ce que l'homme est blanc, suit-il que _blanc_ designe
l'_homme_. Il y a dans cette opinion de Garmond, adoptee par Abelard,
contre le sens apparent de quelques mots d'Aristote et de Boece, une
tendance louable a subordonner la dialectique a la psychologie.
[Note 478: _Dial._, p. 210. Ce Garmond est inconnu.]
Nous ne dirons rien de plus sur cette premiere partie. Elle ne contient
pas de grandes nouveautes; mais ce que nous en avons extrait donne une
certaine idee de la maniere d'Abelard, ainsi que de l'ouvrage qu'il nous
a laisse et de la science qu'il professait. Il refait la logique apres
Aristote et d'apres ce qu'il sait d'Aristote. Il explique, commente,
developpe les idees de l'autorite, et quelquefois expose et discute les
objections et les nouveautes qui se sont posterieurement produites:
c'est alors qu'il donne du sien. Encore est-il difficile de distinguer
ce qui peut se rencontrer d'original dans ce qu'il n'emprunte pas a
Porphyre et a Boece. On ne saurait avec certitude attribuer de la
nouveaute qu'aux opinions qu'il presente comme celles de son maitre,
c'est-a-dire de Guillaume de Champeaux, et de l'originalite qu'a celles
qu'il exprime, quand il refute et remplace ces opinions. Somme toute, ce
qui est a lui, c'est moins le fond des doctrines que la discussion.
CHAPITRE IV.
SUITE DE LA LOGIQUE D'ABELARD.--_Dialectica_, DEUXIEME PARTIE, OU LES
PREMI
|