ERS ANALYTIQUES.--DES FUTURS CONTINGENTS.
La theorie de la proposition et du syllogisme categorique est la base
de la logique proprement dite; et l'on ne s'etonnera pas que dans la
seconde partie de son ouvrage[479], Abelard l'ait exposee avec etendue.
Ici les idees originales, les opinions caracteristiques continuent
d'etre fort rares. Il est difficile d'innover dans cette mathematique
immuable qu'Aristote a probablement creee et certainement fixee pour
jamais. Encore aujourd'hui, quiconque traite de la proposition ou du
syllogisme, repete Aristote. Sous ce rapport, il est encore et il
demeurera _l'autorite_. En exposant avec beaucoup de details des idees
pour la plupart communes a tous les dialecticiens du moyen age, en
n'y apportant de particulier qu'une subtilite minutieuse et toujours
beaucoup d'esprit, Abelard s'efface et se laisse oublier. Je me trompe
cependant; voulant quelque part montrer, par un exemple, qu'il y a
des termes qui ont un sens arbitraire et des noms qui ne rendent que
l'intention de celui qui les a donnes, il a dit ces mots: "Le nom
d'Abelard ne m'a ete donne qu'afin d'indiquer qu'il s'agit de ma
substance[480]." Ailleurs, peut-etre, il ne se designe pas moins, ou
plutot il se trahit, lorsque, voulant enumerer les diverses classes
d'oraisons, il donne pour exemple de l'imperative cet ordre d'un maitre:
_Prends ce livre_; pour exemple de la deprecative: _Que mon amie
s'empresse_; pour exemple enfin de la desiderative, ces mots que nous ne
traduisons pas: _Osculetur me amica_[481]. Est-ce a Cluni qu'il ecrivit
ces mots?
[Note 479: _Dial._, pars II, in III l., p. 227-323.--Abelard appelle
cette partie _Analytica priora_, titre de la troisieme partie de
l'Organon. Seulement dans Aristote, cette troisieme partie ne traite
point de l'oraison ni de la proposition, ni par consequent de
l'affirmation et de la negation, etc., tout cela ayant trouve en place
dans l'_Hermeneia_. Les Analytiques premiers ou premieres roulent
exclusivement sur l'analyse du syllogisme; et Abelard, en conservant le
titre, aurait du conserver la division. Au reste, il n'avait pas sous
les yeux les Analytiques d'Aristote, et il etait principalement guide
par le traite de Boece sur le syllogisme categorique; c'est cet ouvrage
qui, soit par son introduction (Boeth. _Op._, p. 558), soit par son
premier livre (_id._, p. 580), lui a donne l'exemple de joindre a la
theorie du syllogisme tout ce qui concerne l'oraison et la propositi
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