cette idee que Leibnitz
a mis son etude, pensant regenerer avec elle toute la philosophie, et
l'ideologie a regarde comme sa premiere reforme la proscription meme
du mot substance. Commencons l'examen de la doctrine d'Abelard par la
theorie de la substance, non qu'elle soit originale (il y a bien peu
de parties originales dans la logique de ce temps-la); mais elle est
importante, et peut nous apprendre a saisir et a parler la langue de la
Dialectique.
On connait la definition logique de la substance: "Elle n'est dite
d'aucun sujet, elle n'est dans aucun sujet." A cette propriete
fondamentale il faut joindre celle-ci: "En restant elle-meme, elle peut
recevoir les contraires." Les substances premieres sont les individus,
les substances secondes sont les genres et les especes. Ainsi parle
Aristote[465].
[Note 465: Voyez le chapitre precedent et Arist., _Categ._, II.]
Toutes les substances, dit Abelard apres lui[466], ont cela de commun
de n'etre pas dans un sujet, c'est-a-dire un simple attribut d'un sujet
(_in subjecto non esse_). Car aucune substance, ou premiere ou seconde,
n'a d'autre fondement qu'elle-meme. Au reste, la difference est dans
le meme cas: comme elle constitue l'espece, elle n'est pas un simple
accident, elle n'est point fondee dans le sujet a titre d'accident, _non
inest in fundamento per accidens_; elle entre dans la substance meme de
l'espece. Si l'on dit l'_homme est un animal mortel rationnel_[467] (ou
_raisonnable_), la difference _raisonnable_, qui fait de l'_animal_
l'espece _homme_, n'en est pas separable comme un simple accident, car
l'espece disparaitrait aussitot. Les substances secondes sont affirmees
des premieres, quand on nomme celles-ci et qu'on les definit. Il en est
de meme de la difference; elle entre dans la definition. L'accident,
au contraire, ne constituant rien dans la substance, lui appartient
exterieurement, et ne saurait etre enonce dans la definition des
substances.
[Note 466: _Dial._, pars I, p. 174 et seq.]
[Note 467: Il faut s'habituer a cette definition [Grec: zoon logikon
thnaeton], qui est fondamentale, et qui reviendra sans cesse. Cependant
Aristote avait blame Platon d'avoir introduit _le mortel_ dans la
definition de l'_animal_ (_Topic._, VI, X); aussi l'attribut _mortel_
est-il souvent neglige ou ecarte, notamment dans Porphyr. Isag., I, II;
et Boeth., _in Porph._, p. 3 et 61. Mais il se retrouve ailleurs. (Voyez
le meme, _in Top. Cic._, p. 804 et _de Con
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