'est-a-dire moyennant un changement
dans le temps; ainsi le froid devient chaud[468]. L'addition de cette
determination parait superflue. Elle avait apparemment pour but
d'exclure la pensee et l'oraison, qui semblent admettre les contraires,
pouvant etre vraies ou fausses en des temps divers, sans cependant
changer en elles-memes. _Socrate est assis_; vous le pensez et vous le
dites: pensee et proposition vraies qui peuvent, en restant les memes,
devenir fausses si Socrate se leve. Mais ce n'est pas la l'effet d'un
_changement de soi_, c'est-a-dire d'un changement intrinseque de la
pensee ou de la proposition. Aristote n'aura invente sa restriction que
pour se delivrer des objections d'un adversaire importun. En effet, la
proposition _Socrate est assis_, vraie pendant que Socrate est assis,
n'est plus la meme quand il est leve. Ce qui est _dit ensemble_,
c'est-a-dire avec autre chose, ne peut, etant seul, etre appele
integralement la meme chose; car ce qui est avec ce qui n'est pas ne
forme pas une essence. La proposition _Socrate est assis_ dite de
Socrate assis n'est pas le meme tout que la meme proposition dite de
Socrate debout: elle a donc change. Si cependant l'on veut ne voir
l'essence de la proposition que dans ses termes, ce qui est plus usite,
la proposition est la meme, elle n'a point change, mais aussi elle n'a
point admis de contraires. Le fait que Socrate est reellement assis
ou leve ne touche point a l'essence de la proposition; c'est ce qu'on
appelle une apposition ou circonstance externe. Dans ce sens-la, bien
d'autres choses que les substances admettraient les contraires, mais des
contraires qui ne leur appartiendraient pas proprement. Les substances
aussi en ont de ce genre qu'elles ne recoivent pas d'elles-memes, mais
de ce qui est autre qu'elles, et qui proviennent du changement des faits
exterieurs et des objets etrangers. Par exemple, il y en a qui disent
que l'oraison n'est que l'air faisant du bruit (Roscelin); alors dans
l'espece, suivant que Socrate serait assis ou leve, l'air serait vrai ou
faux. La substance de l'air aurait-elle donc ete modifiee, aurait-elle
vraiment recu des contraires? non, sans doute. La proposition n'est pas
modifiee davantage dans les accidents de son essence, quelle qu'elle
soit, et l'objection est sans valeur.
[Note 468: _Categ._, V, XXI-XXV.]
On a soutenu cependant que les substances etaient changees en soi par
les contraires, et par les contraires seulement, par
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